Question de foi – Lourdes Cancer Espérance peut révéler comment une nouvelle évangélisation est commencée

Père Pages

En octobre 2012, la 13e assemblée ordinaire du synode des évêques a été consacrée à la nouvelle évangélisation. Au regard de ce qui se passe au niveau social, culturel, économique… de son pays, chaque évêque peut faire l’écho de ce qu’il vit dans le cadre de son ministère, éclairant de manière personnelle la Parole du Pape. La tradition catholique du synode met en lumière cette collégialité où les participants sont invités à « marcher ensemble ».

D’où vient la notion de « nouvelle évangélisation » ?

Plusieurs papes ont évoqués ce thème : Paul VI dans « Annoncer l’Evangile aux hommes de ce temps » (1975) ; Jean Paul II à plusieurs reprises et déjà à Cracovie en 1979 qui souhaitait qu’arrivent « des temps nouveaux pour l’évangélisation » et qui annonçait : « Une nouvelle évangélisation est commencée même s’il s’agit de la même ». Dans le monde d’aujourd’hui, il faut vivre l’Evangile et en témoigner plus authentiquement. Cette nouvelle évangélisation n’est pas réservée à quelques-uns ou à quelques sensibilités ; elle est l’œuvre de tous. Au sein de LCE, nous faisons l’expérience de personnes aux parcours très différents. La maladie s’est avérée être comme révélatrice d’une recherche plus profonde sur la vie et son sens. Certains d’entre nous sont éloignés de la foi et ne pratiquent pas. Lourdes Cancer Espérance, c’est d’abord une rencontre qui peut nous révéler un chemin à accomplir…

Quelles ont été les propositions des évêques ?

Les évêques ont voté 58 propositions, à la suite desquelles le Pape publiera une encyclique qui s’appuiera sur ces réflexions. Parmi les questions posées, on peut citer : Qu’est-ce la nouvelle évangélisation ? Quelle est la problématique actuelle ? Que se passe-t-il dans le monde aujourd’hui ? Quelles propositions concrètes ?

Vous insistez sur les « fondamentaux »… Quels sont-ils ?

D’abord c’est que Jésus nous offre, de la part du Père, un mystère d’amour qui est infini et qui concerne chaque homme. Qui n’est pas en attente d’être aimé ? Nous croyons à un Dieu qui s’est fait homme, nous relevons d’une religion incarnée. Il s’agit là d’un aspect spécifique à notre Foi Chrétienne et cela rejoint chaque personne… Ensuite, nous devons nous demander comment cela se fait que tant d’hommes ne connaissent pas le Christ. C’est une question de toujours mais il faut qu’elle nous habite. Ceux qui viennent à LCE aiment la fraternité formidable qui y règne, mais n’oublions pas que le Christ est au milieu de nous, qu’il en est peut-être la source… Comment s’y prendre aujourd’hui ? Quels chemins pour aller vers ce monde tel qu’il est ? Les évêques ont argumenté sur ce point en creusant les origines chrétiennes. Il n’était pas plus aisé, alors, de parler du Christ Ressuscité et pourtant un grand chemin a été fait ! L’Esprit de Pentecôte peut souffler à nouveau. Il nous faut faire comme les premiers évangélisateurs : aller à la rencontre des gens tels qu’ils sont, respecter leur conscience, les accueillir, dialoguer, proposer et témoigner….

Une question peut se poser : les choses marchent-elles moins bien aujourd’hui ? N’était-ce pas plus facile avant ?

Il y a deux sources à toujours respecter : la première, c’est la Parole de Dieu. Si l’on se réfère à la Parole de Dieu et que d’une manière ou d’une autre, on la fait sienne, on ne se perd pas. La deuxième, c’est qu’il faut vivre ce que l’Eglise Catholique appelle « la tradition », c’est-à-dire, ce « mouvement vivant » par lequel on vit l’actualité de ce qui nous est parvenu.

Le puits de Jacob (Naplouse, Terre Sainte)

Pourquoi faut-il relever aujourd’hui le défi de la « nouvelle évangélisation » ?

On a pensé que tout était acquis, on parlait de « chrétienté », en oubliant « qu’on ne naît pas chrétien, on le devient » comme le disait Tertullien au IIIe siècle. On pense parfois qu’il suffit d’être baptisé…L’Evangile, c’est se convertir tous les jours, tomber, recommencer, avancer… Les évêques nous invitent à interpeller notre société de plus en plus urbaine, mais aussi à prendre conscience de ce qu’on appelle la mondialisation, la sécularisation, l’indifférence et du fait que dans certaines parties du monde, les chrétiens sont persécutés en grand nombre…Pour parler de l’Eglise et de sa mission dans le monde, l’Evangile de la Samaritaine est significatif (Jean 4, 1-42). Assis sur la margelle du puits, Jésus fait une rencontre : celle d’une Samaritaine. De cette rencontre, de cet échange, va naître un dialogue sur l’essentiel. Il nous faut vivre, en quelque sorte, « la pastorale de la margelle du puits » en acceptant le dialogue. Il faut prendre ce chemin, être vrai et ouvert, alors tout peut arriver…

Quels ont été les autres points soulignés ?

Il a été dit que l’Eglise a le devoir de mettre en avant la beauté et l’art ; cela peut toucher nos contemporains. Dans une société qui va vite, la beauté peut toucher quelque chose de profond dans l’homme. La dignité humaine est une autre notion fondamentale. Par rapport à la drogue, à la corruption, à la violence, aux défis de toutes sortes, il faut toujours reconstruire l’homme.

Quelles sont les propositions concrètes ?

Les évêques ont fait remarquer qu’il ne faut pas oublier les paroisses. C’est un visage d’Eglise qui a fait ses preuves. Plus largement, en éduquant à la fraternité chrétienne, il faut être attentifs aux pauvres, aux malades, aux laissés-pour-compte… Quels sont alors les acteurs de cette nouvelle évangélisation ? Les évêques ont indiqué qu’il convient d’avoir une « théologie du Parvis ». On ne reste pas entre soi, au sein de l’Eglise, on va au devant des autres. Il faut vivre un vrai examen de conscience de l’Eglise. Tout commence par une proximité humaine, tout se continue par une invitation au dialogue puis vient l’annonce explicite du message, et tout finit, d’une manière ou d’une autre, par une rencontre sacramentelle. C’est un cheminement…

En quoi l’association LCE est-elle « chemin d’évangélisation » ?

LCE est chemin d’évangélisation parce qu’on commence par l’humain. On accueille les personnes comme elles sont, là où elles en sont, et on fait un chemin avec elles. Il n’est qu’à voir la manière de vivre le sacrement des malades, le retour à la démarche de réconciliation. C’est un chemin parce « qu’on ne naît pas chrétien, on le devient. » J’aime « la pastorale de la margelle du puits ». On ne reste pas dans son Eglise comme dans une citadelle. LCE est une « margelle du puits ». On y vit la rencontre, les questions, les attentes, puis le temps juste et vrai de la prière et des sacrements…

Dans l’Evangile, c’est Jésus qui demande de l’eau, mais c’est aussi la Samaritaine qui a soif d’une « eau vive. »

Jésus est là pour entendre. Il a marché sur les routes ; il a rencontré des malades sur le chemin. Chaque fois il est dit : « il reprenait la route ». Quand LCE est née, les pionniers ont demandé à être accueillis car ils étaient malades. A partir de là, ils ont cheminé. Mgr d’Ornellas s’est adressé aux pèlerins, au pèlerinage de 2012, en disant : « Ce que vous vivez est prophétique parce qu’au cœur de ce défi du cancer que vous affrontez, se joue quelque chose que le Christ veut rejoindre»

La « rencontre » est primordiale…

Bernadette a parlé de la « rencontre » avec « Aquero », cette « belle dame » qui va se révéler. Dans le cadre de l’aumônerie en milieu hospitalier, tout commence par la rencontre : on commence par se saluer. Peut-être nous faut-il redécouvrir les modalités d’une rencontre gratuite. Le fil conducteur du prochain pèlerinage sera « la porte », à cause de « la porte de la Foi » voulue par Benoît XVI. Croire, c’est oser une rencontre, c’est faire confiance à quelqu’un ; c’est s’appuyer sur quelqu’un… Il y a des lieux de rencontre, des lieux de passage.

Vous dites que pour évangéliser, il ne faut pas « forcer la main ».

Dans l’Evangile, Philippe a dit à André : « Viens et vois ». Quand on rencontre une personne malade, éprouvée, on ne dit pas : « Jésus t’aime, tout va bien. » On commence par écouter la personne dans sa souffrance, dans ses révoltes légitimes. On est dans un niveau d’humanité qui va permettre autre chose, un cheminement, une rencontre…

Bernadette (film "1858, le film des Apparitions")

Quel sens donner à la phrase : «Grâce aux malades, le Christ éclaire son église ? »

Cette phrase est dans la réflexion des évêques sur « la nouvelle évangélisation ». Elle met en lumière que le malade a quelque chose à dire, et qu’il faut commencer à écouter ceux qui ont quelque chose à dire parce qu’ils le vivent dans leur chair. Les pauvres et les malades peuvent ainsi se sentir chez eux dans l’Eglise mais aussi l’interpeller de leur expérience.

Comment savoir si on a vraiment la foi ? Qu’est-ce qu’avoir la foi ?

Dans son livre « Petit traité de l’abandon », Alexandre Jollien cite Saint Augustin « c’est dans le cœur de l’homme qu’habite la vérité. » « Est-ce que j’ai la foi ? », s’interroge-t-il. « Oui et non…certains jours je me lève croyant et je me couche athée. Pourtant lorsque je médite en profondeur, la réponse est oui. » Chacun peut faire cette expérience : quand quelqu’un m’aide, je m’interroge et cela me fait grandir. La Foi est bien un cheminement. Elle peut nous conduire au pardon. Elle peut faire de nous des témoins sans même que nous en ayons conscience…

On parle de « nouvelle évangélisation » dans un contexte où, dans le monde associatif, les bénévoles sont très engagés et montrent ainsi un visage de générosité. Pourquoi cette nouvelle évangélisation est-elle nécessaire ?

J’aime à dire cette phrase : « Il y a en tout homme et en toute femme un lieu intime et vrai auquel mystérieusement chacun aspire. » Oui, il y a beaucoup de générosité, mais on peut s’épuiser à la tâche, et le bénévolat peut trouver ses limites. La foi ne se résume pas à « des choses à faire ». Croire, c’est s’appuyer sur quelqu’un, prendre conscience qu’il est là. Il ne s’agit pas tant de « faire » mais d’ « être » et « d’être habité ». Mais très vite, ce que l’on porte en soi, on a envie de le partager. La foi ne s’impose pas, elle se témoigne jusque dans le service du frère.

Dans son livre « Si vous cherchez Dieu, voici un GPS », Mgr Hippolyte Simon souligne comment orienter sa vie, en s’appuyant sur le Christ…

Le GPS c’est comme un guide intérieur. Le but, c’est la rencontre et un jour, la rencontre ultime. Une rencontre humaine peut nous révéler le chemin de Dieu car un jour nous vivrons la Rencontre. La nouvelle évangélisation c’est l’affaire de tous. « Ce ne sont pas des recettes mais un nouvelle manière d’être au monde » a dit le Pape Benoît XVI. Face à la maladie, si je pose un acte de foi, c’est quelque chose de l’ordre du Roc : le Roc de Dieu va œuvrer. La Parole nous nourrit et nous fait vivre.

Propos recueillis par Béatrice Rouquet
Photos : Philippe Cabidoche