Question de foi – La figure de Pierre et le regard de Jésus
Dans la parabole du jeune homme riche (Marc 10, 13-31), l’évangéliste précise que « Jésus le regarda et se prit à l’aimer. » Alors qu’il vient d’inviter le jeune homme à donner tout ce qu’il possède aux pauvres, ce dernier passe à côté d’un appel. Ses potentialités sont nombreuses, mais il passe à côté de quelque chose… Il faut bien noter qu’il n’est pas exclu définitivement. On peut faire ici le parallèle avec le regard que Jésus pose sur Pierre. Dans le récit de la Passion, selon saint Luc, Pierre renie Jésus à trois reprises. « Le Seigneur s’étant retourné regarda Pierre », alors, « Pierre sortit et pleura amèrement. »Jésus a pris l’un et l’autre en « flagrant délit de regard ». Coup de projecteur sur la figure de Pierre.
Prenons l’évangile de saint Luc ( 22, 28-34)
Vous, vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes épreuves; c’est pourquoi je dispose du royaume en votre faveur, comme mon Père en a disposé en ma faveur, afin que vous mangiez et buviez à ma table dans mon royaume, et que vous soyez assis sur des trônes, pour juger les douze tribus d’Israël. Le Seigneur dit: Simon, Simon, Satan vous a réclamés, pour vous cribler comme le froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères. Seigneur, lui dit Pierre, je suis prêt à aller avec toi et en prison et à la mort. Et Jésus dit: Pierre, je te le dis, le coq ne chantera pas aujourd’hui que tu n’ais nié trois fois de me connaître.
Comment Jésus regarde-t-il Pierre ?
Jésus regarde Pierre en « flagrant délit de reniement ». Pierre est bouleversé, il pleure amèrement. Pleurer de cette manière révèle une certaine forme de noblesse : on reconnaît ce que l’on est vraiment. Le Pape François a fait une homélie sur les larmes : il y a des larmes de douleur, de regret, de joie, de noblesse… La douleur d’amour de Pierre, c’est de prendre conscience qu’il n’est pas à la hauteur de l’amour qu’il prétend avoir sur Jésus. De la même manière, Jésus a pris le jeune homme riche en « flagrant délit de faiblesse ». Souvent Jésus nous prend en flagrant délit de faiblesse. Il voit notre part d’ombre, et c’est à partir de là qu’il va construire.
Quelle est la vocation de Pierre ?
La vocation de Pierre, c’est d’affermir ses frères. Cela ne veut pas dire qu’il est meilleur sur tout. Il est le modèle du disciple. Le Pape François a dit : « quand nous, fidèles, marchons sans la croix, nous ne sommes plus des disciples de Jésus : nous sommes des mondains. »La Croix, c’est la générosité de Jésus. Nous sommes invités à être des disciples, à accueillir cette générosité de la croix, et à nous mettre en route. Comme Pierre, nous avons une générosité ambiguë ; elle peut être emplie de médiocrité, de suffisance, de calcul, de mesquinerie ou de dérobade. Jésus le dénonce pour nous faire grandir. Il propose Pierre comme un modèle, semblant lui signifier qu’au final, il va s’en sortir et aider ses frères à s’en sortir. Jésus nous attend au cœur de sa Passion et au cœur de nos fragilités : nous avons besoin d’être sauvés. Puissions nous méditer cette parole du Pape François : « Il nous faut marcher, comme des disciples, à la lumière de la Croix. »
Que signifie être disciple ?
Pierre pensait à un « bon Dieu » selon ses propres attentes, en ignorant la nécessité du Salut. Or nous sommes disciples quand nous acceptons d’être limités, et Jésus pose son regard sur nous. Jésus nous attend au creuset de nos vies pour en faire quelque chose. Au CHU de Toulouse-Purpan, sur les cinq vitraux de la chapelle historique, au cœur d’un hôpital, le message chrétien est celui d’un Dieu qui ne cesse de se donner, spécialement à ceux qui traversent l’épreuve : le premier vitrail , c’est l’agneau pascal, qui représente le prix de l’amour : « je me donne à vous. » ; le deuxième, c’est le pélican : cet oiseau donne à manger sa propre chair quand il n’a plus rien à donner à ses petits ; le troisième, c’est l’hostie ; le quatrième, un calice, l’un et l’autre évoquent le don de l’Eucharistie ; le cinquième, la biche qui dans la tradition biblique représente l’âme humaine qui a toujours besoin d’être abreuvée…On est disciple quand on accepte de crier ses limites et par le regard de Jésus, on peut avancer et même servir…
Quelle est l’expérience de la Croix à LCE ?
LCE montre des gens qui ont compris qu’il y a la générosité de la Croix. Ils en sont bénéficiaires. Les cinq vitraux au cœur de cette chapelle parlent de la générosité de Jésus., LCE parle d’Espérance au cœur de l’épreuve.
Quel parallèle peut-on faire avec le Pape François ?
Le grand rabbin de Buenos Aires a dit du nouveau Pape : « il vit ce qu’il prêche », y compris auprès des prêtres les plus menacés et de ceux qui ont le plus besoin. La figure de Pierre nous rappelle à des fondamentaux de la foi chrétienne ; c’est Saint Paul qui dit : « quand je suis faible, c’est alors que je suis fort. » L’un des premiers gestes du Pape François a été de laver les pieds de jeunes adolescents, détenus dans un centre, pour qu’ils reprennent leur chemin de dignité. Le christianisme est d’abord une religion de la fragilité, a écrit le dit le Pape Benoît XVI !
Pierre a renié Jésus, Judas aussi. Qu’est-ce qui distingue l’un de l’autre ?
Judas s’est emmuré dans son refus. Jésus lui a aussi révélé sa faiblesse, il l’a transpercé de son regard. Mais Judas a refusé la rédemption que Pierre, lui, a acceptée. C’est l’histoire du bon et du mauvais larrons. L’un s’emmure, l’autre accepte une brèche dans sa vie. Le regard de Jésus sur Pierre est libérateur ; au cœur du drame, Pierre en pleure. Il y a des larmes de rédemption.
Pourquoi Jésus a-t-il choisi Pierre pour bâtir son église ?
La question n’est pas tellement celle-là. Nous pouvons nous souvenir de la parabole des talents : je ne serai pas jugé sur le nombre de talents, mais sur ce que j’en ai fait. La figure de Pierre est choisie pour être un modèle. Pierre était un pêcheur de Galilée. Jésus l’a invité à le suivre : « je ferai de toi un pêcheur d’hommes. » Il lui fait faire un parcours au bénéfice des autres. Il lui dit : « j’ai prié pour toi afin que tu ne défailles pas. » Cette fragilité doit permettre d’être plus lucide, plus humble, plus fort. C’est la force de l’humilité que l’on retrouve de façon flagrante chez le Pape François , et qui en fait le successeur de Pierre pour aujourd’hui.
Propos recueillis par Béatrice Rouquet