Question de foi – Le mystère de Noël

Père Pages

Entretien avec le Père Michel Pagès.

En quoi la grâce de Noël nous interpelle-t-elle aujourd’hui ?

Que signifie Noël pour chacun de nous ?

La naissance de Jésus est un événement historique en soi ! Même si le choix de la date s’avère avant tout symbolique, le 25 décembre, au solstice d’hiver. Noël est le visage d’un Dieu incarné : celui du Christ. On expérimente la solidarité de Dieu. On prend pleinement conscience que Dieu « vient à nous pour que nous allions à Lui ». Face à tant de quêtes « sans visages »… ! A Lourdes Cancer Espérance, nous sommes invités à chercher Dieu dans notre vie et dans notre propre histoire.

Vous dites que « la plus grande question de la vie n’est pas de vivre, mais de naître ». Qu’est-ce que cela signifie ?

A chaque instant, il faut se poser la question : qu’est-ce que je deviens ? Qu’est-ce que je fais de ce que j’ai reçu ? A travers le sacrement du baptême, nous avons reçu une grâce, mais qu’en faisons-nous ? Face à la maladie, on peut se sentir fragilisé avec maintes difficultés à dire ce que nous sommes. Mais l’épreuve n’est-elle pas l’occasion de prendre un nouveau départ ? Je suis chrétien par l’essence du sacrement de baptême, mais il me revient de naître à cette vocation. Le mystère de Noël, c’est celui de l’éternelle jeunesse de Dieu. « Ad-venir » à nous-mêmes et advenir à ce que nous avons vocation d’être sous le regard de Dieu !

Quelle place peut-on faire à la pauvreté au cœur du mystère de Noël ?

Jésus est né « dans une mangeoire ». Ce qu’il faut y voir c’est que Dieu s’est mis à notre niveau. Prenons le mot « humilité », du latin humilis, humus, comme à ras de terre ; nous sommes des créatures de la terre. Jésus naît à ras de terre ; il se met à notre niveau de créature. Le devoir de tout chrétien est de se soucier du plus humble. Dieu prend notre chair. Il nous rappelle ainsi la dignité de toute personne humaine.

 

Vous dites aussi que l’Espérance ne peut être qu’incarnée. Pouvez-vous nous préciser votre pensée ?

Depuis Noël, Dieu est là. Cela vient bouleverser le cœur de nos relations humaines. L’Espérance ne peut pas se situer au seul niveau spirituel. Tout progrès spirituel doit se voir dans notre corps : l’espérance se révèle dans la pureté du cœur, la jeunesse d’esprit… Elle donne à rencontrer de « beaux vieillards ». Il faut rayonner dans son corps, son regard, sa manière d’être. J’ai été très attentif aux discours récents de Benoît XVI qui demande aux chrétiens catholiques : à quoi reconnaît-on votre foi ? Nous proclamons notre foi, mais change-t-elle quelque chose en nous ? Ceux qui nous côtoient peuvent-ils constater notre foi ? Un mot revient dans les écrits du Pape, celui de crédibilité. A travers le mystère de l’Incarnation, Dieu a mis la main dans la pâte. Il n’a pas géré son image de façon lointaine, il est venu partager notre condition. Il faut garder à l’esprit que nous ne serons crédibles qu’à travers notre vie concrète et notre foi concrète. La foi peut transfigurer la vieillesse ou la maladie. Benoît XVI touche sur ce point quelque chose d’essentiel.

Vous confiez volontiers votre amour pour les crèches. Ces représentations de la Nativité ne nous invitent-elles pas à nous rappeler que le Seigneur nous rejoint là où nous sommes ?

Je me souviens d’une crèche que j’ai découverte un jour dans une famille, où il y avait peut-être 80 moutons. Cela m’a beaucoup amusé. En réponse à mes questions, j’ai appris que chaque mouton représentait une personne particulière d’une grande famille. On y avait mis les parents, les grands-parents, les enfants, les cousins, les futurs mariés… et même le curé. Génération après génération, on ajoutait des moutons sur lesquels on inscrivait le prénom de chacun. Chaque mouton témoignait d’une présence. C’était un beau symbole. Nous sommes appelés à être présents « à la rencontre du Dieu qui vient »…sans être pour autant « des moutons » !

Vous accordez une grande place aux racines, en particulier à LCE dont l’histoire s’écrit dans une continuité…

Lourdes Cancer Espérance a une histoire qui s’enracine dans la douleur des personnes isolées face à la maladie. Nous sommes invités à cheminer ensemble. Lors du concile Vatican II, il a été dit : « L’Eglise est experte en humanité. » Autrement dit, cela signifiait qu’il y avait un idéal d’humanité en Jésus. Certains ont dit à l’Eglise : pour qui vous prenez-vous ? « Experte » en humanité ! Nous étions renvoyés à notre crédibilité. Or, j’aime beaucoup lire les écrits de Benoît XVI ; le 18 avril 2008, le pape a déclaré à l’ONU : « l’Eglise propose son expérience en humanité. » Il marquait ainsi une nuance plus humble qui m’a beaucoup touché. A Lourdes Cancer Espérance, nous nous efforçons de « partager notre expérience en humanité ».

Vous soulignez le message universel de Noël : Jésus est venu pour nous tous. Il est aussi solidaire de chacun d’entre nous.

Il y a quatre ans, j’ai vécu mon premier Noël comme aumônier d’hôpital à Toulouse Purpan. Ce fut un soir de Noël que j’avais souhaité vivre pleinement avec le Seigneur, lui disant ma disponibilité…. Les moments qu’il m’a été donné de partager ce soir là sont restés gravés dans mon cœur. J’ai été appelé au chevet d’une dame, qui est décédée ce soir-là, entourée des siens. J’ai assisté à ce moment vécu dans une grande paix, un vrai abandon sous le regard de Dieu. Un autre temps très fort a été ma rencontre avec la famille d’une dame qui venait de succomber à un AVC, alors que tous se préparaient à se rendre à la messe de minuit. Avec beaucoup de tact, le médecin a alors posé la question du don d’organes. Imaginez un instant la douleur des proches. Quand nous avons échangé ensemble, nous avons abordé le sujet. A aucun instant, je n’ai cherché à orienter leur prise de décision, mais nous avons beaucoup parlé. Au fil de la discussion, sa fille s’est rappelée du souhait exprimé un jour par sa mère, en faveur du don. Nous étions au cœur de la nuit de Noël, ce fut très fort….L’Eglise est là présente, et c’est cela « le mystère de Noël », comme nous devons être présents aux autres, comme nous le pouvons mais en faisant de nos actes une réalité évangélique.

Propos recueillis par Béatrice Rouquet