Question de foi - La joie de la mission ; Oui, mais…

Le Père Michel Pagès à l'écoute des délégations

Dans nos vies, ce qui nous fragilise peut nous faire oublier la joie à laquelle le Seigneur nous appelle. Quelle est la mission de l’Eglise ? N’est-elle pas de nous amener à fixer notre regard sur Jésus, mort et ressuscité, à nous faire voir que la vitalité pascale opère en nous, à nous ouvrir à une Espérance ? Mais que dire des difficultés auxquelles elle se trouve confrontée ? Que dire de la joie quand nous sommes personnellement éprouvés ? Quels sont, dans ce contexte, les signes d’Espérance ? Comment une association comme « Lourdes Cancer Espérance » peut-elle être porteuse du mystère de la Résurrection ? Oui, parfois, la barque de l’Eglise est ballottée mais la mission nous dépassera toujours et l’Espérance habite la terre…

Entretien avec le Père Michel Pagès, aumônier national LCE

En quoi témoigner de sa foi est-il aujourd’hui difficile ?

Je pense d’abord à tous nos adhérents LCE, aux équipes qui animent nos délégations, aux délégués qui, habités le plus souvent d’une Espérance extraordinaire et d’un sens du service, ne manquent pas de rencontrer l’épreuve… Oui, l’Église ne manque pas d’être éprouvée comme nous pouvons l’être les uns et les autres. Concrètement, dans nos diocèses, les prêtres sont moins nombreux et les pratiquants aussi. Nous faisons le constat que l’Église a perdu de son influence, à telle enseigne qu’elle rencontre parfois de fortes résistances pour mener à bien sa mission. Pour l’historien René Raymond, il y a même l’émergence d’un courant de pensée anti-chrétien. Pour d’autres, sans qu’on ne la rejette, l’Église souffre d’être méconnue. Un autre écueil est celui d’une indifférence généralisée…Sans catastrophisme, il est nécessaire de reconnaître qu’il n’est pas simple de témoigner de sa foi, aujourd’hui. Il est nécessaire de le partager entre nous…

Vous notez, dans ce contexte, des signes d’espérance…

Je suis sensible, entre autres, au nombre de plus en plus important de catéchumènes et cela dans tous nos diocèses. C’est l’émergence, vérifiée depuis de nombreuses années déjà, d’une démarche libre, consciente et joyeuse de la rencontre avec Dieu en Jésus et dans la communauté de l’Église. Je suis, bien sûr sensible à la grâce propre de Lourdes Cancer Espérance. LCE a été voulu par des malades et pour des malades. LCE s’est construit sur le constat de la fragilisé spécifique du cancer et a voulu porter ceux et celles qui en faisaient l’expérience. Au cœur de ce défi, dont on ne dira jamais assez qu’il est « le défi de santé de ce temps », LCE a interpellé l’Église et l’Église a répondu… Comment ne pas reconnaître, ici, l’interpellation du Pape François, qui veut une Église qui « écoute et qui accompagne », une Église plus vraie, plus lucide et plus concrète. La parole du Pape est forte et audible. Pour mener à bien la mission chrétienne, nous sommes tous appelés à présenter autrement les mots de la foi, pour semer encore et toujours…

Bernadette écrivant au Saint-Père (extrait du film "Qui es-tu, Bernadette")

Accueillons et méditons la parole de Madeleine Delbrêl :

« Vient le temps des missions en épaisseur avec le sens des forages et des abîmes ; les étayages ne suffisent plus, il faut vérifier les fondations. »

Vous dites que chacun doit être témoin là où il est…

Nous sommes tous appelés à suivre le Christ, dans une « vocation universelle à la sainteté ». C’est l’une des grandes affirmations du Concile Vatican II. C’est l’une de ses prises de conscience. Et, dans ce contexte, les prêtres apparaissent mieux comme des éducateurs de l’existence chrétienne, soucieux de revéler les charismes, les dons, les talents des uns et des autres « pour le service commun de la mission ». LCE essaie de vivre cela dans ses délégations et « la joie de la mission » apparaît mieux quand chacun y prend sa part. C’est là que la joie est possible, quand « on porte ensemble » le souci et l’Espérance…

Accueillons et méditons cette parole du Bienheureux Pape Paul VI :

« Le monde a davantage besoin de témoins que de maîtres »

Vous évoquez la lettre de Saint Paul : 2 Corinthiens (chapitre 4, verset 8) ; « En toute circonstance, nous sommes dans la détresse, mais sans être angoissés ; nous sommes déconcertés mais pas désemparés ; nous sommes pourchassés mais non pas abandonnés ; terrassés mais non pas anéantis. Toujours nous portons, dans notre corps, la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi, soit manifestée dans notre corps. »

On peut prendre l’exemple de Bernadette qui, tout en ayant traversé beaucoup d’épreuves, disait : « J’ai reçu tant de grâces. » Toujours, Bernadette plaçait sa confiance dans le Seigneur. Elle écrivait un jour à la supérieure de l’hospice de Lourdes : « Je n’ai pas encore beaucoup de forces, je ne puis pas aller à la chapelle toute seule, il me faut deux bras plutôt qu’un, c’est un peu humiliant, mais que faire, il faut se soumettre, puisque le bon Dieu le veut ainsi. » A Lourdes Cancer Espérance, nous savons cela, par la réalité propre du cancer ; parfois, c’est l’écrasement mais pas vraiment l’anéantissement. On chute et on se relève. On chute encore et on se découvre capable de reprendre le service des autres… Lors du pèlerinage 2014, à l’invitation d’Agnès, l’animatrice de notre veillée de pèlerinage, Mgr Ballot a su, avec enthousiasme et simplicité, « chasser les nuages gris et noirs » pour révéler les signes concrets de l’Espérance : la présence à l’autre, l’attention, l’écoute, l’accompagnement, le témoignage d’une réconciliation, une façon de ne pas juger, d’être ouvert à celui qui se tient à nos côtés…

Accueillons et méditons les mots de Madeleine Delbrêl (Le bal de l’obéissance)

« Car s’il y a beaucoup de saintes gens

qui n’aiment pas danser,

Il y a beaucoup de saints

qui ont eu besoin de danser.

Tant ils étaient heureux de vivre ;

Sainte Thérèse avec ses castagnettes,

Saint Jean de la Croix avec un Enfant Jésus dans les bras,

Et saint François devant le pape.

Si nous étions contents de vous, Seigneur,

Nous ne pourrions pas résister

A ce besoin de danser qui déferle sur le monde,

Et nous arriverions à deviner

Quelle danse il vous plaît de nous faire danser

En épousant les pas de votre Providence.

Car je pense que vous en avez peut-être assez

Des gens qui, toujours, parlent de vous servir

avec des airs de capitaines,

De vous connaître avec des airs de professeurs,

De vous atteindre avec des règles de sport.

De vous aimer

comme on s’aime dans un vieux ménage.

Un jour où vous aviez un peu envie d’autre chose,

Vous avez inventé Saint François,

Et vous en avez fait votre jongleur.

A nous de nous laisser inventer

Pour être des gens joyeux

qui dansent leur vie avec vous. »

Vous soulignez que l’Eglise est au service de la rencontre intime de Dieu et de l’homme…

C’est encore le Concile Vatican II, (Lumen gentium n°1) qui nous parle : « L’Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre humain ». Quelle extraordinaire parole pour comprendre notre mission et sans doute la joie qui en découle. Nous sommes aimés personnellement mais ne sommes pas un but en soi. Dans l’Église, nous sommes « signe et moyen », nous ne sommes pas le but. Le but c’est « l’union intime avec Dieu » pour tous et chacun. Le but, c’est aussi « l’unité du genre humain » et c’est tellement grand ! Croire au Christ mort et ressuscité, c’est assumer sa faiblesse mais c’est aussi accepter d’être « signe » d’une force plus grande pour vivre ce monde et ne pas perdre l’Espérance. A LCE, on aime à le répéter « face à la maladie, nous avons choisi le signe de l’espérance ». Bien que l’on se trouve confrontés à des difficultés, on peut aller plus loin, on peut annoncer le Bonne Nouvelle de l’ Évangile…

« Nul n’est trop pauvre pour n’avoir rien à partager » (Diaconia).

La mission, c’est l’œuvre de Dieu…

La mission ne repose jamais sur nos seules forces. Dieu nous donne le secours de sa grâce. Dans notre vie personnelle, au sein de notre délégation, nous pouvons rencontrer des difficultés, c’est le sens de cet article, mais nous sommes épaulés par la puissance de la Résurrection. Nous pouvons dire avec confiance : « Je me croyais seul mais j’étais accompagné. Je ne me croyais pas capable mais j’ai ressenti la présence de Dieu. Je trouve en moi une puissance qui me donne des forces nouvelles. »

Accueillons et méditons la parole de Saint Paul dans sa Lettre aux Philippiens 3 (10-11) :

« Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa Résurrection et de communier aux souffrances de sa Passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts ».

Propos recueillis par Béatrice Rouquet
Photos : Philippe Cabidoche