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Homélie d’envoi du Père André Cabes

Homélie du Père André Cabes, recteur du Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes, donnée lors de la célébration d’envoi du pèlerinage Lourdes Cancer Espérance, le samedi 22 septembre  2018.

Bien chers amis,

Je ne sais pas si le sanctuaire vous a aidés à vivre le thème de votre pèlerinage, car nous n’avons pas la réputation d’être un lieu de silence. Et c’est pourtant la devise que vous avez choisie : « Sachons accueillir le silence qui permet d’entendre la Parole. » En fait, le bruit qui nous menace le plus est cette agitation intérieure, ces sortes d’acouphènes spirituels qui nous rendent sourds au murmure de l’amour offert.

Marie n’est pas sourde, elle est la Vierge du silence, la Vierge de l’écoute. Elle est ce silence où la Parole habite et le Verbe de Dieu peut prendre chair en elle. J’espère que ces quelques jours à Lourdes vous ont permis d’entendre le murmure de l’amour, ces paroles et ces gestes qui s’invitent au fond de notre cœur pour constituer le terreau de la confiance.

Quand Marie a dit oui à Dieu : « Qu’il me soit fait selon ta Parole ! » alors la Parole est entrée dans sa vie, dans sa chair. Le Verbe s’est fait chair, la Parole s’est faite silence dans le sein de cette petite Maman. Et c’est par elle désormais que la Parole a retenti. Dieu fait silence dans le sein de Marie, et Marie chante le Magnificat, elle chante l’action de grâce du Fils à son Père.

N’avez-vous pas encore envie de chanter, de laisser chanter le Fils de Dieu en vous ? Il est ce tout petit qui habite au fond de vos révoltes et de vos peurs, de votre confiance aussi et de votre joie, jusque dans l’épreuve. Il renverse toutes les insinuations du Diable : il rejoint votre petitesse, vos incapacités, et renvoie dans le vide tous les faux raisonnements de l’orgueil ou du découragement. « Tu ne t’en sortiras jamais ! » « Inutile de rejoindre ces amis, inutile de prier, tu es seul et tu resteras seul ! »

Marie a pu connaître la tentation de penser que Dieu l’abandonnait, que son enfant avait fugué. « Mon enfant, pourquoi ? Pourquoi nous as-tu fait cela ? » Et Jésus lui parle encore : « Ne saviez-vous pas que je dois être chez mon Père ? » Jésus ouvre un chemin dans l’absence, il parle quand on l’écoute. Il parlera encore du haut de la croix. Jésus est en lien permanent avec son Père : « Ne saviez-vous pas que je dois être chez mon Père ? » Il n’est pas établi à son compte, il est seulement l’Envoyé, le Fils de l’Amour, qui obéit jusqu’à la mort. Il est également le Fils de cette Femme qui est sa Maman, et il l’entraîne sur le chemin.

Du fond de nos révoltes et de nos questions, Jésus nous interpelle nous aussi : « Ne sais-tu pas que je te donne rendez-vous dans le sein du Père, dans le cœur d’une Maman ? » Le silence qui nous est proposé à Lourdes n’est pas le silence des ténèbres et de la mort, il est invitation à l’écoute et à l’accueil de la lumière. Ta vie n’est pas inutile et vide, ta vie est la demeure de ce Dieu qui cherche à se poser. Ton cœur est l’écho d’une Parole, le reflet d’une lumière qui veut se donner.

La ténèbre, c’est le repli sur soi. Par nous-mêmes, nous ne possédons pas la lumière, nous ne possédons pas la vie. Nous ne sommes que poussière et cendre, et la maladie, l’échec, viennent nous le rappeler. Mais ici nous découvrons que nous ne sommes pas seuls. Voudrons-nous ouvrir nos cœurs à l’espérance que donne son appel ? Nous avons rencontré des sœurs, des frères, dont le silence, la parole, ou parfois le cri, veulent résonner au fond de nous. Saurons-nous les accueillir ?

Celle qui a dit : « Qu’il me soit fait selon ta Parole » peut maintenant nous dire : « Faites, vous aussi, selon sa Parole. Faites tout ce qu’il vous dira. » Les Hébreux déjà dans le désert avaient pu s’écrier : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le ferons. » Mais quand nous tournons la page, nous les voyons adorer le veau d’or ! « Ils ont échangé ma gloire, à moi le dieu vivant, contre celle du bœuf, du mangeur d’herbe ! » Ici à Lourdes, la petite Bernadette a dû manger de l’herbe et mettre le museau dans la boue « pour les pécheurs ».

Elle rejoint notre pauvre humanité incapable de tenir debout sous le soleil de Dieu, et qui se met à marcher à quatre pattes, comme les bêtes. Mais au fond de la boue, il n’y a pas la boue, il y a la source ; au fond du péché il n’y a pas le péché, il y a le pardon et la miséricorde. « Faites ce qu’il vous dira. » Ne partez pas de Lourdes avec de belles résolutions qui tomberont vite quand vous serez repris par le quotidien. Repartez de Lourdes avec la certitude qu’au moment où vous voudrez, comme les Hébreux, vous fabriquer un dieu qui réponde à vos besoins, un dieu qu’on aurait facilement sous la main, il vous suffira de dire un Je vous salue, il vous suffira d’appeler un ami de LCE, pour trouver, non un dieu domestique pour vous servir, mais un dieu vivant, un frère, une sœur qui vous dit : « Je serai avec toi. »

Notre Dieu est un Dieu-avec, un Dieu unique qui n’est pas solitaire, un Dieu communion de vie, compagnon de nos révoltes et de nos peurs, un Dieu qui nous fait goûter le bonheur d’être à la maison, à la maison du Père. Vous n’êtes pas plus doués que les premiers disciples, et pourtant il vous dit comme à eux : « Faites des guérisons. » Et voilà que le malade est capable de guérir, même son médecin. Le malade ouvre le chemin de la confiance.

Lors des noces de Cana, les servants ont dû remplir d’eau six grandes jarres vides, pour que Jésus puisse donner le bon vin de la fête. Nous sommes bien ces pauvres cruches épuisées par la vie, mais les rencontres, les événements de nos journées, sont cette matière qui les remplissent et qui deviennent instruments d’une Présence. Ces visages regardés, ces mains tendues, ces quelques mots échangés, ces refrains qui montent à nos lèvres, transforment notre vie en tremplin d’espérance.

Bernadette arrivait à la Grotte avec un cierge à la main. Et le mercredi 7 avril, mercredi de Pâques, l’apparition dure tellement qu’à la fin, elle a entre les doigts non plus la cire mais la flamme. Bernadette devient cierge pascal. Elle laisse passer la lumière, comme celle qui s’est nommée l’Immaculée Conception, la transparente de l’Amour qu’elle peut partager au monde, comme une maman qui porte un enfant, et communique ainsi la joie d’une vie nouvelle.

Frères et sœurs bien-aimés, nous sommes ces cruches chargées de partager le vin des noces, nous sommes ces petits cierges chargés de donner lumière et chaleur à condition d’y passer la vie. Bernadette mourra un mercredi de Pâques, Bernadette nous entraîne dans la vie, à la suite de Marie, cette petite Maman, qui indique le chemin des sources. Soyons ensemble des sourciers de l’espérance et de la vie nouvelle, des porteurs de lumière et d’amour.

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