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« L’Eglise nous appelle à devenir frères les uns des autres » : Retraite nationale à Lourdes (mars 2012)

Du 23 au 25 mars 2012, une soixantaine de personnes a participé à la retraite qui s’est tenue au Centre de l’Assomption à Lourdes en présence du Père Michel Pagès, aumônier national de Lourdes Cancer Espérance. « De quelle manière suis-je crédible en ma qualité de chrétien ? », « quelle est la fécondité de ma vie ? », « comment passer de la visite à la Visitation ? ». Autant de questions soumises à la réflexion des participants. Entretien avec le Père Michel Pagès.

Vous aimez à dire que « trouver la vérité sur soi » est le défi de chacun d’entre nous. En quoi cela est-il essentiel ?

J’ai choisi à cet escient une citation du cardinal Martini, extraite de son ouvrage : « S’ouvrir à la Parole de Dieu ». Il s’exprime ainsi : « Si nous avançons pendant des années en évitant une confrontation profonde et vraie avec nous-mêmes, à un certain moment, comme nous réveillant d’un long sommeil, nous nous apercevons que nous avons perdu des occasions d’atteindre la vérité de nous-mêmes. »

La question qui nous est posée appartient à chacun d’entre nous. Quel événement va-t-il nous permettre de nous « recentrer » ? C’est là que réside le secret de chacun. Nous ne pouvons traverser cette vie « la fleur au fusil ». Parfois nous ne comprenons pas la nécessité d’agir autrement ; nous nous « laissons vivre », nous faisons n’importe quoi.

Le danger est de passer à côté de sa vie. L’hôpital est un lieu de vérité. Je rencontre des personnes qui ont des regrets énormes et qui me confient : « Je me suis laissé entraîner, déformer. »

Cela révèle en réalité qu’il y a une vérité sur soi que parfois on néglige…

Cela peut durer « pendant des années », indique le cardinal Martini. Cela nous invite à nous interroger sur la notion de temps…

La question du temps est relative. Il y a d’un côté la pendule, et de l’autre les événements qui se passent et balisent nos routes. Un événement dramatique qui survient nous rappelle à la fragilité du temps.

L’Evangile nous invite à être des « veilleurs. » Le Pape Benoît XVI appelle les chrétiens à être « crédibles » dans leur foi et leur témoignage.

Je citerai cette phrase en guise d’illustration : « Il y a bien, en tout homme et en toute femme, un lieu intime et vrai auquel chacun, mystérieusement, aspire, malgré tout ce qu’il traverse. Il y a bien un appel fondamental adressé à cette humanité et à chaque personne, à répondre à un appel de Dieu, dans le Christ… et on ne peut répondre à la place des autres. »

Que se passe-t-il à l’intime de ma vie ? Nous avons un « point central ». On emploie le mot « cœur » dans ce sens, quand on parle du « cœur des choses », du «cœur de l’événement».

Ce que l’on fait n’est jamais totalement innocent. Un engagement peut être révélateur d’une vérité sur soi.

Les notions de « vérité » et « d’engagement » ne se font-elles pas écho ?

Si l’on se pose en vérité la question : « pourquoi je fais ça ? », alors, à cet instant, tout peut venir. Pour ceux qui s’engagent dans notre association, l’une des réponses réside dans le fait qu’ils ont été « bénéficiaires » de la grâce de LCE. On m’a donné, et j’ai envie de redonner.

Sans perdre de vue que nous devons « être », le propre de l’homme c’est aussi de « faire » en écho à l’acte créateur.

Quelle est la fécondité de ma vie ? N’y a-t-il pas un sens à ce que je fais ? La réponse n’est pas facile. Combien de personnes se trompent de voie ou en essaient plusieurs… Combien sont déçus ! C’est là le vrai chantier d’une vie. Ce n’est pas le propre de la jeunesse. Rares sont ceux qui trouvent cette vérité très tôt.

On peut évoquer à nouveau la figure du « bon » et du « mauvais » larrons. A l’ultime moment, ils trouvent la vérité de leur vie. Pour certains, le cancer est révélateur d’une vérité sur leur vie. Parfois, c’est un effondrement total, une grande remise en cause et au final, une relecture sur soi…

Vous évoquez le film « Le scaphandre et le papillon. »

Cette histoire vraie nous donne à rencontrer un jeune père de famille, victime d’une attaque cérébrale. Devenu immobile, il n’a plus qu’un œil et la voix qui le relie au monde extérieur. Aussi, pour qu’il puisse voir, il faut se mettre en face de lui. Le film nous met en situation de celui qui vit ça.

Toute son histoire est éclairée sous un jour nouveau. Il est acculé à la vérité. On peut percevoir ce qu’il ressent, et la voix off nous fait entendre ce qu’il pense. Une orthophoniste arrive à le faire parler grâce à un alphabet qu’il peut lire en cliquant de l’œil. On suit son éducation nouvelle. Le scaphandre évoque son état bien réel qui l’immobilise. Le papillon, son imaginaire, qui va l’aider à vivre. Le malade est aidé par des personnes compétentes qu’il rencontre à l’hôpital, par ce qui lui reste d’affection et de liens humains, mais aussi par son imaginaire.

Le fait qu’il s’imagine en papillon est extraordinaire. C’est son aire de liberté et sa manière de continuer à vivre « autrement ».

Vous dites que « la vérité sur soi est toujours possible… »

Vivre l’épreuve ou accompagner une personne touchée par la maladie « éclaire » autrement notre façon de vivre. Quand on a une âme d’enfant, cela donne la capacité à voir l’essentiel. « Le Royaume des Cieux est à ceux qui leur ressemblent » dit Jésus.

Parfois on se cache derrière beaucoup de choses. Mais il faut se rappeler le «don premier». LCE est une grâce. Il faut en redécouvrir la saveur des commencements.

Le premier point est l’entraide humaine. Il faut voir en tout homme « un frère. » Il faut se rappeler souvent que « ce que je porte en moi va m’être révélé par l’autre. ». Nous sommes tous invités à accepter l’inattendu. On peut regretter sa jeunesse, le temps passé. Mais la vie ce n’est pas ça. L’inattendu c’est l’illustration que la vie avance. La vie est une marche. Cela implique d’être « disponible ».

Vous insistez sur le fait que « l’homme est appelé à entrer en relation »…

Dans le livre de la Genèse 2, on retrouve ce passage : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ». Comme une vigilance sur le danger de la solitude et l’incomplétude. On n’est complet qu’avec le frère, la sœur en humanité. Le christianisme est une religion de l’Incarnation.

Jésus c’est Dieu qui vient à la rencontre de l’homme. C’est Dieu qui se fait frère en Jésus. Il est accessible.

Dans un premier temps, il y a l’acte créateur. Dans un second temps, se pose la question de l’Incarnation. Comment à LCE sert-on « le frère en humanité » avec ce regard ?

L’Evangile souligne qu’il faut être « responsable de son frère. »

On est responsable de son frère, mais le frère aussi peut révéler beaucoup plus : il peut révéler Dieu. Quand on va vers un frère, même lointain, on peut se découvrir soi-même, sous un angle nouveau.

Vous insistez sur la notion de crédibilité…

Nous allons entrer bientôt dans ce que Benoît XVI souhaite être « l’année de la foi ». « Le monde a besoin que le chrétien donne un témoignage crédible ; le message évangélique porte en lui une force transformatrice » écrit le pape.

Le cardinal Barbarin disait à des jeunes étudiants rassemblés à Rennes: « Lorsque l’Eglise est servante, elle est crédible. »

Un journaliste affirmait pour sa part : « Dans chacune des destinées humaines, il y a un appel à découvrir un chemin d’absolu. »

Nous sommes signes les uns pour les autres. C’est de l’ordre du sacrement au sens de « signe à donner ».

Plongeons nous un instant dans la réflexion de Lumen Gentium (Concile Vatican II): « Le Christ est la lumière de tous les peuples. Ainsi en annonçant à toute créature la bonne nouvelle de l’Evangile, l’Eglise est dans le Christ en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. »

Vous aimez à dire qu’il faut passer de la « visite » à la « visitation »…

Dans l’Evangile de Luc (1, 39-56), nous est relaté l’épisode de la Visitation. Marie et Elisabeth se rencontrent. Marie porte le fruit de l’Esprit Saint ; Elisabeth est enceinte dans sa vieillesse. Elles vont s’entraider. Mais il se passe quelque chose qui les dépasse.

Il est dit que « Marie se mit en route rapidement », témoignant en cela du désir de la rencontre. Avons-nous nous-mêmes le désir de la rencontre ? Il n’y a pas de vie juste et réalisée sans désir.

Puis, arrivée chez Elisabeth, Marie la salua. Il y a du tact, du respect, de la politesse. On n’assène pas sa vérité à l’autre. Dans la mesure où la parole est respectueuse, il se passe quelque chose de l’ordre de la Révélation. Cela va devenir une fécondité.

L’Eglise est pertinente car elle nous appelle à devenir frères les uns des autres. Le bonheur est toujours possible. Il faut commencer par suivre le chemin de la Vérité.

Propos recueillis par Béatrice Rouquet
Photos : Philippe Cabidoche

 

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