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Rencontre avec le Père André Cabes, recteur du Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes

« Choisir la vie » est une attitude qui relève de la foi. Il est des épreuves qui sont celle de la foi, où l’on ne parvient plus à ouvrir son cœur à l’amour du Christ, car on désespère et on se replie sur soi. Comment garder allumée la flamme de la foi ?

La foi n’est pas une opinion mais un engagement. C’est ce qui arrive au sein d’un couple, quand l’on se dit l’un à l’autre : « Je ne t’aime plus ». Tout semble fini. Croire, cela veut dire : « Je veux croire ». Aimer veut dire : « Je veux aimer. » Les Italiens l’expriment bien, eux qui, littéralement, disent qu’ils aiment : « Je veux du bien pour toi. » Ce que nous appelons l’épreuve de la foi a vocation à susciter la vraie foi, qui est de vouloir se donner. On pourrait croire sinon que la foi est un élan spontané. On peut regarder la figure de saint Augustin ; la foi lui est venue car il a beaucoup cherché. Ce n’est pas la recherche qui provoque la foi, mais elle prépare le terrain, pour celui qui va ensuite s’engager lui-même.

Pouvez-vous nous rappeler l’itinéraire de saint Augustin ?

Saint Augustin avait perdu la foi de son enfance ; il l’a cherchée du côté des philosophes, des manichéens, des néo platoniciens et du plaisir charnel. Il a cherché un sens à sa vie jusqu’à ce qu’il découvre un passage d’une lettre de saint Paul. C’est l’enfant qui est là, au bord de la mer et qui chante : « Prends et lis. » Et voici qu’apparaît à saint Augustin cette phrase tirée des Epitres : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » Une autre rencontre se produit à la cathédrale de Milan, où il entend des hymnes que fait chanter saint Amboise : il découvre à ce moment-là une paix qu’il ne connaissait pas. C’est parce qu’il avait en lui un grand désir de rencontrer le Seigneur, qu’il a pu être touché de cette manière.

Vous dites qu’avoir la foi relève d’un choix…

La foi est un engagement de recherche, de rencontre. Il nous faut poser un acte de choix, de volonté. La liberté, ce n’est pas la fantaisie, qui ne dépend que de moi et de mes sentiments fluctuants. L’amour commence quand il est enraciné dans la volonté. Les sentiments reviendront quand la volonté se sera engagée. La foi, c’est une ouverture de toute la vie, comme une relation d’amour. L’épreuve de la foi est une occasion de faire mûrir un engagement. C’est une question qui nous est posée : veux-tu surmonter cette épreuve pour t’engager vraiment sans te laisser porter par les sentiments ? Des sentiments de jeunesse peuvent revenir, dès lors qu’on engage sa vie, de façon plus tendre, plus forte, plus douce. Il s’agit de l’aventure de chacun.

Qu’en est-il du désespoir ?

Le désespoir c’est se laisser envahir par un sentiment d’absence. Jésus a visité notre désespoir : « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Jésus l’a visité pour le transformer : « Entre tes mains, je remets mon esprit. » Il transforme ce sentiment en confiance. Il s’agit d’une confiance voulue. L’épreuve n’est pas supprimée : Jésus reste sur la croix. L’épreuve est là, mais elle est habitée.

Vous expliquez qu’il vaut mieux la révolte que la résignation…

Dans le premier cas, on s’adresse à quelqu’un ; dans le deuxième, on retombe sur soi. La résignation peut déboucher sur le désespoir, qu’il soit brutal ou qu’il vienne enlever toute perspective, tout horizon, à petits feux. Lors du chemin de Croix, Jésus est anéanti mais il a toujours le regard tourné vers le Père. Jusqu’au fond de l’épreuve, on crie toujours vers Dieu ; on crie l’incompréhension ou la révolte mais au moins nous crions vers Lui.

Vous évoquez aussi l’attitude confiante et pleine d’abandon de saint Benoît Labre…

A la question qui lui fut adressée un jour – « Que feriez-vous si un ange venait vous annoncer que vous êtes damné ? » – Saint Benoît Labre répondit : je continuerai à croire en la miséricorde divine… Dieu comprend de quoi le damné s’exclut. Il est allé jusqu’à l’anéantissement jusqu’à la Croix pour que personne ne puisse dire qu’il n’est pas rejoint par l’amour. Même si on est dans la nuit, on peut essayer de continuer à écouter cette parole qui s’adresse à nous.

En quoi les cœurs de Marie et de Jésus sont-ils semblables ?

Saint Jean Eudes vient à en parler au singulier, et parle « du » cœur de Marie et de Jésus. Le saint curé d’Ars disait : « quand on se tourne vers Dieu dans la prière, ce sont deux cierges qui unissent leur flamme. Le désir de Dieu est que nous soyons uni à sa propre vie pour que nous fassions partie de la Trinité. Marie accueille pleinement la parole de Dieu. Elle permet à la Trinité de venir sur la Terre. On disait des premiers chrétiens qu’ils n’avaient qu’un cœur et qu’une âme. C’est la relation qui unit Marie à Jésus et les fidèles à Dieu. Le cœur de Jésus et de Marie nous montre que la foi nous fait entrer dans la vie de Dieu. La racine de la foi est la confiance et la confiance est éternelle.

Comment prier ? Parfois les mots ne viennent pas… On ne se sent pas digne de s’adresser au Seigneur, ou on pense qu’Il sait tout et que la prière est impuissante…

Lorsqu’on prie, il est sûr qu’on ne trouve pas toujours les mots. Mais qu’on ne puisse pas les chercher, les vouloir, c’est dommage car ils sont donnés. La prière dépasse toutes les paroles. L’amour n’est pas contenu dans la parole qui l’exprime. L’amour vient habiter nos pauvres paroles. Il faut qu’il y ait cette alternance de silence et de parole, qui nous fait entrer dans cet échange éternel des personnes divines. On peut méditer la façon dont sainte Bernadette faisait le signe de croix, où la façon dont elle se tenait à la chapelle. Souvent, on fait la prière de son côté, comme si l’on était tout seul, vis-à-vis d’un Dieu lointain. Mais Il est là ; Il est proche.

Lors d’une prière, les amis LCE ont demandé au Seigneur de nous rendre la joie d’être sauvés. Comment cette joie peut-elle s’exprimer dans notre cœur ?

Le salut vient nous dire : tu n’es pas enfermé dans tes souffrances, dans ta solitude. Quand on est dans le malheur, quand on ne va pas bien, on peut mettre un couvercle dessus ou bien agir comme le font les pharisiens. Mais on ne sera délivré que lorsqu’on sera délivré de soi-même. Il s’agit de cesser de tourner sur soi-même pour enfin, exister en orbite, autour du soleil, qui est le cœur de Dieu. Notre enfermement, ce peut être l’orgueil ou le découragement. Par la foi, la prière, on peut se recueillir ; on est relié : à soi-même, aux autres, à Dieu. Dans le Magnificat, il est dit : « Il disperse les superbes. » Cela évoque les orgueilleux, dont les désirs entraînent la dispersion du cœur. La joie d’être sauvé, c’est d’être rassemblé, unifié. C’est le Psaume (85, 11) : « Unifie mon cœur pour qu’Il craigne ton nom. »

Comment Lourdes Cancer Espérance peut-il nous permettre d’augmenter notre foi ?

La maladie est là, mais dans le même temps, elle est vécue en union les uns avec les autres. Le lien se fait grâce aux rassemblements qu’organise LCE. Tout ce qui était cassé peut être source d’offrande : Je m’ouvre à toi. Cela s’exprime par l’amitié, la prière. C’est significatif de voir ce défi à la maladie mortelle par une façon d’être et d’espérer. A Lourdes, il y a la Maman qui enfante ; à nous d’accueillir la vie nouvelle par la foi. Un chemin est offert à tout homme et certains pèlerins y participent, sans être eux même touchés par le cancer. Cela montre à quel point LCE est vrai. C’est dans cette même veine que Louis Veuillot s’exprimait du temps de Bernadette. Journaliste, il voyait en la jeune bergère une « ignorante », mais qui valait plus que lui, qui la découvrant, voyait sa propre misère. On peut dire d’une personne malade : elle n’a rien mais elle est plus riche que moi. Je reste dans les ténèbres et cette personne me donne son espérance. LCE est une réserve exceptionnelle d’espérance. Nos paroles et nos regards sont souvent trop désespérants. Si je suis découragé, si je n’ai plus de force, Jésus est là : « Ma force se déploie dans ta faiblesse. » On est beaucoup plus forts si on est ouverts à la grâce de Dieu. A LCE, on fait l’expérience de l’amitié qui multiplie nos forces ; de même la foi est greffée sur l’infini de Dieu.

Que faut-il retenir du thème pastoral : « Faites tout ce qu’il vous dira. »…

Aux noces de Cana, Marie et Jésus accueillent le manque : ils n’ont plus de vin. C’est se dire : « J’ai besoin d’être sauvé. » On fait comme s’il y avait du vin, mais il n’y a que de l’eau. Jésus veut nous donner du vin. « Faites tout ce qu’il vous dira », cela veut dire : « Entendez-le ! » Il y a ma révolte, ma fatigue. Je laisse ça, je lui donne la possibilité de me parler. Je peux faire quelque chose : remplir les jarres d’eau. La réponse de Dieu nous surprend toujours. A celui qui veut être guéri, Il dit : « Va te plonger sept fois dans le Jourdain. » ou encore « Viens à Lourdes. » Je suis sûr que, toujours, Jésus me donnera le bon vin de la noce. A Lourdes, et notamment à LCE, il y a les paroles que l’on entend, les cérémonies auxquelles on participe : on reçoit le bon vin de la noce. Mais il faut mettre la jarre et la remplir. On répond à une invitation : il faut bouger et nous sommes aussi appelés à être un relais nous-même de cette invitation. C’est ce qui s’est passé dans l’histoire de LCE : le groupe a commencé par quelques dizaines d’amis, et aujourd’hui ce sont des milliers de pèlerins qui se rassemblent à Lourdes. Les noces marquent l’Alliance, dans la communion et le cœur à cœur de tous dans le Seigneur.

Propos recueillis par Béatrice Rouquet.

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