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« La solidarité, c’est l’affaire de tous »

Pour Anne Favre, médecin-chef du pèlerinage LCE, avoir le cœur sur la main est une expression à conjuguer de mille manières. Face à la pandémie du coronavirus, Anne a choisi, comme beaucoup de médecins retraités, de se mettre à « disposition » de sorte que, si elle est appelée, elle apportera du renfort aux équipes de soignants. Avec humilité, elle sait que tout a de la valeur, et que les moindres gestes peuvent apporter un rayon de soleil : un bonjour, un mot amical, un coup de téléphone, une course au supermarché pour une personne fragile, une prière, et tant d’autres chemins à inventer. Face au drame qui est en train de se nouer, elle n’a qu’une envie : que l’on soit tous ensemble, unis et soudés, pour faire bloc avec tous ceux qui s’emploient à enrayer la pandémie. C’est la seule voie possible : celle du respect de l’autre et de la responsabilité individuelle pour gagner une guerre dont on ne pouvait pas prévoir à l’avance la dureté ni l’âpre bataille de fond. Entretien :

Vous dites que dans cette situation sans précédent, il faut faire preuve de lucidité et ne pas porter de jugement hâtif sur les mesures prises par les responsables politiques pour contrer la pandémie…

Quand survient un accident, de la route ou d’ailleurs, on mobilise les secours et chacun a un rôle précis. La situation que nous vivons est inédite : elle évolue d’heure en heure, et pour ceux qui sont chargés de tout coordonner, c’est extrêmement difficile. Il faut voir les choses autrement. Les réflexions  négatives de ceux qui disent qu’ils auraient fait autrement, qu’ils auraient fait mieux, n’ont pas leur place. La diffusion d’informations non vérifiées, source d’angoisses ou de faux espoirs n’a pas lieu d’être. Les médecins, les chercheurs sont au travail. Faisons leur confiance.  Ils progressent le plus vite possible. Les études sérieuses sont nombreuses. Nous sommes tous dans l’attente. Il est  normal de vouloir des réponses rapides. Ces réponses vont arriver, les traitements vont arriver. Personne ne pouvait imaginer ce qui est en train de se passer. La situation évolue pratiquement d’heure en heure. Il y aura un « après » et il faudra le construire ensemble. Tout le monde devra en être partie prenante : la solidarité, c’est l’affaire de tous. On pourra tirer des leçons pour essayer que cela n’arrive plus jamais. Mais il ne faudra juger personne, et que tous les signes positifs nés de l’entraide s’inscrivent dans la durée.

Vous êtes très solidaire de ceux qui, par le respect des consignes, apportent leur goutte d’eau aux efforts fournis de toutes parts…

Le confinement est vécu pour certains dans des conditions difficiles : familles nombreuses dans des logements de petites superficies, personnes malades, porteuses de handicap ou isolées, sans oublier le sort des SDF qui, en cette période, est d’autant plus difficile. Nous sommes dans une société où nous sommes épris de liberté, et dans ce contexte, le confinement est difficile à vivre pour tout le monde. Mais en faisant cela, on sait que non seulement l’on se protège soi, mais l’on protège les autres. C’est aussi une manière de soutenir les soignants qui nous disent : « Restez chez vous. » Je crois beaucoup que les réseaux sociaux doivent servir à créer du lien, pas à attiser la colère ou les haines ni à donner un  avis sur ce que l’on ne connaît pas. Il faut donner de la lumière aux gens, et penser à ceux que l’on peut réconforter même si on ne les connaît pas. Le temps qui nous est donné est un temps de réflexion et aussi de prière.

De quelle manière la foi vous permet-elle de tenir debout ?

Je trouve merveilleux que l’on puisse suivre le chapelet tous ensemble, en direct de la grotte de Lourdes. C’est une manière d’être unis, et aussi de faire battre son cœur au rythme de la prière des chapelains qui, contrairement aux habitudes, animent un lieu devenu désert. On pense fortement à eux, qui nous représentent devant la Vierge de Lourdes. On se sent portés et en même temps, on porte nos prêtres. La fête de l’Annonciation, le 25 mars, m’a d’autant plus marquée qu’elle a eu lieu un jour de la semaine où, en général, on est au travail. Cette fête n’a pas toujours la même intensité qu’on lui a donnée cette année. Le 25 mars, c’est le jour où la Vierge a dit son nom à Bernadette : « je suis l’Immaculée Conception. » Le Pape François par sa prière, par sa messe quotidienne,  nous le dit : Soyons  unis dans la prière. Faisons bloc. Ne nous privons pas de tous les petits gestes qui disent notre humanité, notre solidarité avec les autres : pour des gens dans la détresse, un signe d’amitié peut revêtir une importance énorme, et nous le savons bien au sein de LCE. Il faut toujours s’en souvenir et le vivre de toutes les manières possibles.

Propos recueillis par Béatrice Rouquet

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