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Rencontre avec le Père Musielak, aumônier de l’Accueil Notre-Dame.

Rencontre avec le Père Musielak, camillien, chapelain au Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes et aumônier de l’Accueil Notre-Dame.

« Je suis né dans une famille d’ouvriers, où nous étions cinq sœurs et un frère. Je suis originaire de Zdunska Wola, petite ville de Pologne qui fut longtemps vouée à l’industrie du textile. Après l’obtention du baccalauréat en 1970, alors que je me destinais à travailler dans le bâtiment comme maçon, mon chemin s’est orienté vers le séminaire et j’ai découvert la spiritualité camillienne, toute tournée vers les personnes malades, âgées, ou en proie à la misère. J’étais prêtre étudiant à Cracovie entre 1972 et 1978, à l’époque où le cardinal Wojtyła dirigeait le diocèse. Parmi nos initiatives, nous avons offert des temps de vacances à des personnes malades en leur permettant de sortir de chez elles durant quelques jours. A plusieurs reprises, le projet étant financé en grande partie par le cardinal, nous avons pu les rassembler dans un village de montagne. Les malades étaient entourées. Nous priions et mangions ensemble. Pour chacun, ce furent des moments chaleureux et précieux.

J’ai été ordonné prêtre en juin 1978. J’étais vicaire de paroisse pendant mon année préparatoire. J’ai été appelé à Madagascar par Mgr Gilbert Ramanantoanina, dans la ville de Fianarantsoa où nous avons fondé une communauté camillienne. Je suis alors passé par la Belgique pour obtenir mon diplôme d’infirmier dans le cadre d’études en médecine tropicale. Je suis resté 28 ans à Madagascar. J’ai fait partie d’une équipe de prêtres camilliens. J’ai été dans l’équipe d’un grand hôpital à Fianarantsoa, où j’ai œuvré comme infirmier et accoucheur dans des dispensaires. Les prêtres camilliens ont contribué à la création d’un Cercle Chrétien de la Santé, en collaboration avec l’archidiocèse et le gouvernement. Cela a permis aux ouvriers et à leurs familles de bénéficier d’une protection sociale. Avec l’aide de donateurs italiens, une clinique a pu même être construite, ainsi qu’un centre pour soigner les cancers de la femme.

Mon ministère à Madagascar a été une période magnifique. J’ai pu avoir un autre regard sur la vie. Les mentalités, les croyances étaient différentes de celles auxquelles j’étais habitué. J’ai partagé la vie des Malgaches en profondeur, de l’intérieur, et j’ai vécu avec eux énormément de choses. J’ai été frappé par l’ouverture et la gentillesse de la population. On me regardait comme un frère, comme quelqu’un qui vivait avec eux, et non comme quelqu’un tombé du ciel. J’ai vu des situations désespérées, terribles. Mais eux vivaient ces situations autrement : avec le sourire et en confiance.

J’ai vu en eux une grande humanité. Bien des fois, j’ai eu l’impression qu’ils connaissaient Dieu mieux que ceux qui en étaient instruits. Les Malgaches m’ont fait approfondir les valeurs de simplicité et d’amour. En Europe, on aurait tendance à vouloir tout mesurer, tout calculer. Mais on se prive ainsi de la simplicité d’être d’abord un être humain, avec ce qui le fonde et qui réside sur notre dignité et notre liberté. J’ai rencontré de nombreuses personnes atteintes par la lèpre. Elles accueillent le malheur de façon positive, sans se plaindre. Là-bas, j’ai appris à ne jamais être pressé, à ne pas me laisser contrarier par des événements inattendus. Si le pneu de la voiture est crevé, je vais d’abord prendre le temps de me restaurer avant d’effectuer les réparations. A Madagascar, j’ai appris à ne pas me retourner en arrière, mais à affronter la vie, sans ressentir une déception quelconque. 

Moi qui me voyais comme un prêtre missionnaire, je me suis rendu compte que les vrais missionnaires figuraient dans cette population qui, face aux épreuves de la vie, garde le sourire. La vie chrétienne, c’est la douceur du Christ, c’est la compréhension. On retrouve cette même méditation en se référant au thème pastoral de cette année : « Heureux les pauvres ! ». Souvent, en Europe, nous avons des moyens matériels mais nous sommes insatisfaits. Les lépreux n’avaient ni doigts, ni lèvres, mais ils arrivaient à plaisanter et à se débrouiller très bien dans la vie. On doit trouver Dieu en soi-même. 

Le Père Musielak, avec Soeur Marie-Ange Mesclon, Soeur de Nevers, en charge de l'animation pastorale à l'accueil Notre-Dame

Je suis arrivé à Lourdes en 2008 ; j’œuvre en paroisse dans les vallées pyrénéennes, comme curé de 19 clochers, mais aussi au Sanctuaire comme chapelain et aumônier de l’Accueil Notre-Dame. Lourdes est un lieu qui donne toute la place à la personne malade, handicapée. Dès que les pèlerins franchissent le grand portail du Sanctuaire, ils sont plus détendus, plus ouverts. C’est un lieu magique, qui permet de retrouver la confiance et la sérénité. Quand on voit le sourire de personnes qui, parfois, traversent de grandes épreuves, on perçoit qu’elles portent en elles beaucoup d’amour et qu’elles sont aussi heureuses d’être aimées. Quand, à l’Accueil Notre-Dame, nous rencontrons des pèlerins fatigués par leurs épreuves et leur voyage, nous voyons en premier lieu leur joie de se trouver dans la cité mariale. L’Accueil est un lieu très familial, où chacun peut se reposer ou approfondir une démarche spirituelle. Au Sanctuaire, comme chapelain, durant la saison, je donne le sacrement des malades cinq ou six fois par jour. L’onction permet de retrouver cette confiance en Dieu, cette présence réelle dans notre vie marquée par la souffrance comme un cœur à cœur avec Dieu qui nous aime. J’explique toujours aux pèlerins malades que Dieu ne punit pas. On ne doit pas demander le miracle tout de suite ; Dieu veut autre chose. Parfois c’est difficile de le comprendre au regard de la situation dans laquelle on se trouve. Dieu nous regarde avec amour et respecte notre dignité. Il nous appelle à Lui ; on peut se laisser regarder par Lui, se laisser réconcilier à travers les sacrements où le Christ nous rejoint. Essayons toujours de nous compléter les uns les autres, de vivre cette universalité de l’Amour. Il faut qu’il y ait une relation d’amour, s’attacher d’abord à voir ce qui, par-delà nos différences, nous unit. Il nous appartient de méditer l’Evangile qui nous relève toujours : « Dieu vous aime tels que vous êtes, vivez dans l’amour ! »  

Propos recueillis par Béatrice Rouquet

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