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Danielle Lagües, assistante de direction à l’Accueil Notre-Dame

Danielle Lagües (Photo Béatrice Rouquet)

« Près de quarante années se sont écoulées depuis que j’ai commencé à travailler au Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes. C’était le 1er mars 1978. Je n’avais pas vingt ans, mais j’avais le cœur à l’ouvrage. J’ai tout de suite aimé ces moments plein d’humanité vécus au sein de l’ancien Accueil Notre-Dame, quand bien même j’avais en moi une grande sensibilité qui me rendait difficile le spectacle de la souffrance, ne serait-ce celui d’une petite plaie. Toutefois, Marie m’attendait sur ce chemin. Elle m’a ouvert les bras, et à travers les missions qui m’ont été confiées, j’ai pu trouver ma place et aider les pèlerins malades, handicapés ou fragilisés, en donnant le meilleur de moi-même.

Qu’il s’agisse de faire le ménage, de travailler dans la restauration ou de gérer l’accueil des pèlerins au Transit, j’ai œuvré dans tous les services, avant de rejoindre les bureaux de l’administration, dès 1986. Une responsabilité que j’exerce aujourd’hui aux côtés de François Labadie, directeur, et de Véronique Caussade, son assistante. Je survole là les trente dernières années, puisque ma carrière administrative a débuté avec les anciennes directrices : sœur Marie-Jo, puis sœur Jacqueline, toutes deux appartenant à la congrégation de la Charité de Nevers.

Geste hospitalier à l'accueil Notre-Dame

L’Accueil Notre-Dame occupe une place centrale dans le cœur des pèlerins. Bâti dans l’enceinte même du Sanctuaire, c’est un lieu chargé d’histoires qui fête cette année son 20e anniversaire. Ses murs abritent tant et tant de témoignages d’humanité ! Comment pourrais-je passer sous silence ces rencontres en vérité, comme celle de ce couple venu il y a deux ans pour prier Marie. Deux hommes en couple qui, avant de se rencontrer, ont vécu des épreuves terribles et dont le pèlerinage à Lourdes se faisait dans des conditions douloureuses puisque l’un d’eux souffre d’une maladie grave. Leur venue avait été sujette à plusieurs reports en raison de son hospitalisation. Finalement, cela a pu être organisé le temps d’un week-end.

A l’Accueil, ils avaient été accompagnés par sœur Marie-Ange Mesclon, chargée de l’animation pastorale, et sur place ils avaient demandé à me rencontrer. Cela n’avait pu se faire car je n’étais pas dans les lieux lors de leur pèlerinage.  Quelle ne fut ma surprise de recevoir, par l’entremise d’un livreur, un magnifique bouquet de cinquante roses, la semaine qui suivit ! Ils voulaient me remercier pour l’attention que j’avais prêtée à leur dossier. Cela m’a beaucoup touchée, j’avais eu le sentiment de n’avoir fait que mon travail !

En 2004, le pape Jean-Paul II a séjourné en pèlerin malade à l'Accueil Notre-Dame (Photo Philippe Cabidoche)

Cette histoire est révélatrice des liens profonds qui nous unissent aux pèlerins que nous accueillons. Ils nous donnent tellement ! Et c’est aussi notre plus grande joie d’envisager chaque instant comme un rendez-vous de personne à personne. Chacun est attendu, aimé et accueilli, et je porte en moi ces mots de Bernadette qui résument le message de Lourdes : « Elle me regardait comme une personne regarde une autre personne. »

Dans les tâches qui sont les miennes, je suis très attentive à l’histoire personnelle de chaque pèlerin. Ecouter est essentiel. Telle ou telle indication, glissée au cours d’un échange téléphonique préalable à leur venue, me permettra de faire du « sur mesure ». A l’Accueil, nous pouvons accueillir des personnes qui sont en fin de vie, ou qui souffrent de graves pathologies. Nombreux sont ceux qui demandent à venir de façon individuelle ; nous faisons tout pour qu’ils puissent accomplir cette démarche et les aider sur le plan matériel en les mettant en relation avec une infirmière, ainsi que le service d’aumônerie avec sœur Marie-Ange et le Père Musielak.

Il arrive cependant que leur état de santé nous conduise à les orienter vers des pèlerinages organisés, dans lesquels ils pourront trouver un encadrement médical, comme c’est le cas avec le pèlerinage de Lourdes Cancer Espérance. Bien souvent, ils suivent notre avis. Ils découvrent cette possibilité, qu’ils ignoraient souvent car, dans leur diocèse d’origine, ils avaient peu de lien avec l’Eglise ou l’hospitalité.

Combien d’histoires pourrais-je vous narrer qui disent cette foi simple et généreuse de ceux qui s’abandonnent au Seigneur ? Je porte dans le cœur le souvenir d’un monsieur, venu à Lourdes en fin de vie. Il est décédé sur place. Sa femme, qui était à ses côtés, était révoltée. L’année suivante, elle est revenue dans la cité mariale pour se ressourcer et se confier à Marie. Elle est devenue hospitalière. Même si elle n’avait pas pu obtenir la guérison de son mari, elle avait trouvé un autre chemin.

Les leçons que l’on reçoit à Lourdes sont toujours personnelles. Elles passent à travers le témoignage de vie et de courage que donnent les personnes malades ou handicapées, leur humilité, leur sourire, mais aussi à travers le magnifique message délivré par les hospitaliers qui se dévouent sans compter pour les servir. Ce sont eux qui font Lourdes. Sans eux, les pèlerins ne feraient que passer.

Pour revenir à l’histoire récente de l’Accueil Notre-Dame, d’aucuns se souviennent de sa construction et de la première pierre, bénie le 11 février 1996, par Mgr Sahuquet. L’Accueil a ouvert ses portes le 7 avril 1997. Le bâtiment a été conçu pour remplacer deux Accueils existant auparavant : l’ancien Accueil Notre-Dame, dont les locaux abritent notamment aujourd’hui la chapelle des confessions, et l’Accueil Sainte Bernadette, qui a été détruit et se trouvait à l’emplacement du nouveau bâtiment.

Pendant toutes ces années au service des pèlerins, j’ai reçu les richesses du ciel dans mon cœur. Ce que l’on vit à Lourdes est unique au monde. Que de souvenirs ! Originaire d’Omex, ma grand-mère avait commencé à orienter mon regard vers Marie, puis mon chemin personnel au sein du Sanctuaire m’a permis d’approfondir ma foi, avec l’amitié des sœurs de la Charité de Nevers, la rencontre avec le Père Jouandet, et tous ces liens qui remplissent nos vies.

Les sœurs de la charité de Nevers m’ont instruite sur deux plans. En premier lieu, l’humanité : elles m’ont appris à être rigoureuses dans mon travail, elles m’ont montré leur profonde attention aux autres. Je pourrais donner mille exemples. Je dirais simplement que sœur Gabrielle, accueillant les stagiaires à l’Ancien Accueil, leur demandait toujours des nouvelles de leurs familles. Chacun savait qu’il avait de l’importance. J’ai côtoyé aussi sœur Emmanuelle, également dévouée. Quant à Sœur Dolores, elle était la responsable du grand réfectoire de l’Ancien Accueil Notre-Dame, et s’occupait aussi de la sacristie du Rosaire. Avec elle, les employés avaient l’autorisation d’assister à la messe du dimanche matin, à la basilique du Rosaire. Aux côtés de sœur Marie-Jo, j’ai pu découvrir aussi la vie de Jean-Baptiste Delaveyne, le fondateur de la congrégation des sœurs de la Charité de Nevers.

Couvent Saint Gildard, Nevers

Pour l’anecdote, je me suis rendue à Nevers à trois reprises, notamment l’année dernière pour le 150e anniversaire de l’arrivée de Bernadette. Un magnifique spectacle a été présenté durant l’été, et à tous, je recommande d’y assister cette année.

Quant au Père Jouandet, il a aussi beaucoup marqué le personnel. Je me souviens du chemin de croix qu’il nous proposait de faire le vendredi saint, des offices que l’on pouvait suivre pendant la semaine sainte, mais aussi de sa façon de nous instruire sur le message de Lourdes, et des apparitions de Marie.

Toutes ces années ont été marquées aussi par des événements exceptionnels : le congrès eucharistique de 1981, les venues du Pape Jean-Paul II et de Benoît XVI, le premier pèlerinage Foi et Lumière, le pèlerinage des polios, celui des anciens combattants. Il y en a tant ! Nous gardons le souvenir de la visite de Jean-Paul II en 2004, et de son séjour à l’Accueil Notre-Dame. Pour tous, cela reste un moment fort. Avec lui, 800 malades logeaient à l’Accueil. Jean-Paul II était alors très éprouvé par la maladie, mais il a rempli sa fonction jusqu’au bout. Il puisait ses forces au plus profond de lui-même.

Entre autres moments que j’ai vécus à Lourdes, j’aimais beaucoup le congrès des hospitaliers, qui permettait aux bénévoles de se rencontrer en dehors des temps de pèlerinage. Plus de 2000 personnes y participaient ; une grande convivialité régnait dans ce ‘village’ qui se tenait dans les murs de l’Accueil. Chacun pouvait se rencontrer, échanger ses astuces et parler de son expérience à Lourdes.

Mon travail m’a permis de vivre de magnifiques expériences, et je me souviens comment, avec sœur Marie-Jo, nous avons accompagné par avion les pèlerins de Pontoise de retour de Lourdes. Vivre cette expérience à leurs côtés nous a permis de nous rendre compte, par nous-mêmes, de tous les efforts liés à leur venue : embarquement et débarquement des personnes sur fauteuil, intendance, etc..

J’ai aussi participé à de nombreux congrès de présidents d’hospitalité, un peu partout en France, en Espagne et à Dublin mais aussi au Pays-Bas. Le voyage en train est resté dans mes souvenirs ; là encore, j’ai vu toute l’énergie déployée par les pèlerins qui se rendent à Lourdes.

A l’Accueil Notre-Dame, on vit des moments rares, comme on pouvait le vivre déjà dans les anciens Accueils, même si le confort était moindre et que les conditions de séjour ont été bien améliorées. A l’époque, il y avait de grands dortoirs de trente à quarante lits. Quelque part, j’ai retrouvé cet état d’esprit lorsque j’ai fait les chemins de Saint-Jacques de Compostelle. En six ans, j’ai pu rallier par étapes le Puy et Saint-Jacques. La rencontre, la fraternité, la joie aussi ! Tout cela fait partie intégrante de ce que nous pouvons vivre.

L'hospitalité HLCE, au service des pèlerins

A Lourdes, nous expérimentons une fraternité universelle. Le pèlerinage LCE est un temps fort dans l’année. Je me souviens de Christiane de Looz, avec qui nous avons longtemps travaillé. Grâce à elle, de nombreux pèlerins individuels ont pu venir à Lourdes, quand bien même vivaient-ils leurs derniers instants. Je crois que Marie veille sur nous, quand on prend la mesure de toutes les difficultés que nous parvenons à surmonter : trouver une infirmière pour suivre le pèlerin, réserver les dates de pèlerinage en jonglant avec les impératifs liés aux traitements et à la chimio… Moi-même, j’ai connu les débuts de LCE, et tous ceux qui, se sont succédé pour faire vivre cette belle association : le Père Cros, le Père Joulia, Marie-Claude Aizpurua, Anne Favre, Bernadette Douillet, pour n’en citer que quelques-uns.

A Lourdes, ce qui me touche aussi beaucoup, c’est ce voyage que nous faisons à chaque rencontre : il y a des pèlerins d’origines diverses, et à travers eux, on a l’impression de s’ouvrir à tous les continents. Lourdes est un lieu unique, et quelque part « hors du monde ». Les pèlerins sont originaires de tout pays ; à travers leurs mots, leurs accents, leurs conversations, on est tout de suite dépaysés. Cette ouverture sur le monde est unique et irremplaçable. Je pourrais vous parler aussi de ces personnes de toutes conditions qui viennent se mettre au service des malades ; certaines sont issues de la noblesse ou de la haute société, d’autres sont de conditions simples et modestes. Tout le monde est chez soi. L’Accueil Notre-Dame est une maison de famille !

A Lourdes, Marie fait des merveilles, et à travers tout ce que chacun apporte, nous construisons une Eglise universelle. »

Propos recueillis par Béatrice Rouquet

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