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Annonce de l’Evangile : rencontre avec le Père André Cabes

« En annonçant l’Evangile, saint Paul a témoigné que le Salut vient de l’accueil que nous faisons à la présence de Dieu »

Avant de rencontrer Jésus, saint Paul a persécuté les chrétiens. Ce qui comptait pour lui, c’était la tradition du peuple auquel il appartenait. Lorsque Jésus s’est manifesté à Lui sur le chemin de Damas, en l’aveuglant d’une lumière intense et en prononçant ces mots : « Saül, pourquoi me persécutes-tu ? », ce dernier a découvert la présence du Christ dans sa vie. Il a compris que les chrétiens qu’il persécutait étaient le Christ lui-même.

Après son retournement, Paul a enduré un difficile combat pour annoncer l’Evangile de Jésus-Christ. C’est ainsi que lors de son arrestation à Jérusalem, il dira aux Juifs les dispositions qui lui étaient propres au moment de se rendre à Damas.  Il se souviendra : « J’ai poursuivi jusqu’à la mort ceux qui suivaient cette doctrine, enchaînant et livrant aux geôliers des hommes et des femmes… Et même, ayant reçu des lettres contre les frères de Damas, j’y allais afin de ramener enchaînés à Jérusalem ceux qui s’y trouvaient, pour qu’ils fussent châtiés ».

Dans le livre « Paul, apôtre de Jésus-Christ », E.-B. Allo fait le récit de sa vie. Il met en lumière la manière dont Paul a été pardonné, car il agissait par ignorance, et fut ennemi des chrétiens par épouvante et horreur de la croix.

Après sa conversion, Paul a pris un chemin nouveau. Des grâces lui ont permis d’avancer et de remplir sa mission. « Désigné par une révélation et mandaté par l’Eglise d’Antioche, Paul partit en compagnie de Barnabé pour évangéliser le monde païen. C’est quand il entreprenait ce premier voyage missionnaire qu’il eut la vision du « troisième ciel » (II Cor XII, 1-6), où il vit et entendit des choses ineffables, ainsi il devint complètement armé pour son audacieux travail. Dieu lui a révélé ce qu’il devrait souffrir pour son nom. Ils parcoururent l’île de Chypre, et y convertirent le proconsul romain, Sergius Paulus. Désormais, Saül ne portera plus que ce nom de Paul qui était aussi le sien depuis sa naissance. »

La volonté de suivre la personne du Christ jusqu’au don total de sa vie fait résonner de nous jours les paroles de saint Paul : « Malheur à moi, si je n’annonce pas l’Evangile… »

Rencontre avec le Père André Cabes, ancien recteur du Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes, qui évoque avec nous cet appel toujours actuel.

André Cabes, ancien recteur du Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes est aumônier de la la Maison Saint-Frai à Tarbes. Il est également exorciste diocésain.

Il est interrogé par Béatrice Rouquet sur l’annonce de l’Evangile, à quelques semaine du pèlerinage LCE à Lourdes.

A quelles difficultés saint Paul s’est il heurté pour annoncer l’Evangile du Christ ?

La première difficulté à laquelle il s’est heurté a été intérieure. L’Evangile est entré par effraction dans sa vie. Il avait persécuté les chrétiens, car à l’époque, on avait maille à partir avec la réalité de Jésus-Christ, Fils de Dieu et mort sur une Croix ; cette nouvelle d’un Messie, livré au scandale de la Croix, détruisait l’héritage d’Israël. Par le chemin nouveau qu’il ouvrait, Jésus avait détourné la nation de son attachement à ses cadres religieux et, par là-même, à ses espérances de durée et de domination. Paul a reçu en plein cœur cet appel et un chemin s’est ouvert : le salut ne dépendait pas de ce que nous faisions, mais de l’accueil que nous faisions à la présence de Dieu. Ce ne sont pas nos œuvres, notre justice, qui peuvent nous faire vivre. Le salut est un don de Dieu.

De quelle manière comprendre cette réalité qui est née dans le cœur de Saint Paul : « Notre justice ne vient pas de nos œuvres mais de la grâce… »

Quand elle parlait au cœur de Jésus, Thérèse de Lisieux disait que « nos actes de justice ont des taches à Vos yeux. » Nos actes, quels qu’ils soient, sont toujours entachés d’égoïsme, d’orgueil, d’auto-justification. Or, il nous faut nous rappeler cette vérité selon les paroles de saint Paul : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? »… Et l’on peut poursuivre : « Si tu l’as reçu, pourquoi t’enorgueillir ? » Avant de rencontrer le Christ, Saint Paul était un pharisien sûr de lui, et certain que le Seigneur devait le récompenser selon ses mérites. Or, avec Jésus, on apprend que l’observance de la loi n’est plus la source de notre vie. La vie est surabondance du don de Dieu. Si nous observons la loi, c’est que Dieu nous l’accorde. Sans la grâce, nous manquons à la fidélité dans le Seigneur. Saint Paul le dit en ces termes : « Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas. ». Dans le chapitre 8 de la lettre aux Romains, on voit comment, grâce à Dieu, l’Esprit a été donné.

Pour mener sa mission, Saint Paul n’y a-t-il pas été préparé, ce qui lui a donné courage pour affronter les persécutions ?

Saint Paul était un pharisien, fils de pharisien, appartenant à la tribu de Benjamin. Il était fier d’avoir été éduqué dans le judaïsme. Jésus est venu dans le peuple d’Israël. En rencontrant Jésus, sur le chemin de Damas, Saint Paul s’est rendu compte qu’il devait faire la place à Dieu. Dieu fait à la fois la demande et la réponse. Sinon, notre demande à nous peut être déficiente, orgueilleuse. On peut relire le chapitre 3 de la lettre aux Philippiens. Saint Paul a été préparé à sa mission par sa fidélité à la Loi juive. Mais il y a eu un séisme dans sa vie quand il a découvert le Christ. Il a ainsi pu opposer « ma » justice qui vient de la Loi, à la justice dans la foi au Christ.

Conversion de Saint Paul - Basilique Saint Paul Hors-les Murs, Rome (Photo P. Cabidoche)

Comment s’est passée sa rencontre avec Jésus ?

Alors qu’il se dirigeait vers Damas, Saint Paul a été arrêté sur la route par une vision de lumière intense qui l’a aveuglé. Il a entendu une voix : « Pourquoi me persécutes-tu ? » Saint Paul a alors compris que les chrétiens étaient la présence de Dieu dans le monde. Rentré à Damas, il a été conduit par un compagnon jusqu’à Ananie qui, averti par une vision, lui a rendu la vue et conféré le baptême. A partir de cet instant, Saint Paul a annoncé celui qu’il persécutait.

Saint Paul a annoncé le Salut de Dieu. A quoi cette réalité renvoie-t-elle ?

Le salut est toujours un don. Notre rôle, c’est de l’accueillir. Le Salut, c’est Jésus qui se donne. Le nom de Jésus signifie : « Dieu sauve. » Le Messie est venu sauver son peuple de ses péchés. Il importe de souligner que nos mérites ne viennent pas de nous. Notre justice vient de la foi, (chapitre 3, philippiens). Saint Paul dit : « pour Lui, j’ai accepté de tout perdre, afin de gagner le Christ. » Il ne dit pas : « gagner les mérites. » Le Salut ne vient pas d’une récompense d’avoir obéi à la Loi. Il faut le connaître, Lui, Jésus. Et cela va avec une vie qui n’est pas de tout repos, mais une vie qui communie avec les souffrances du Christ. Saint Paul le dira lui-même : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Il faut faire mourir tout ce qui appartient à la chair, autrement dit à une existence fermée sur elle-même. Saint Paul dit : « Je poursuis ma course, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus ». On peut faire le parallèle avec la rencontre de Marie Madeleine et de Jésus qui, ressuscité, lui dit : « Ne me retiens pas. Je t’entraîne vers le Père. » La vie de Saint Paul va être tendue ensuite vers la rencontre du Christ. Le Christ l’a saisi : ce n’est pas un achèvement, mais le commencement d’une course.

Comment doit-on parler de Dieu à quelqu’un qui, n’ayant pas la foi, se pose toutefois des questions ?

Le chrétien est celui qui atteste d’une autre existence en lui. N’est-il pas dit que nous portons des trésors dans des vases d’argile ? Cela signifie qu’il y a « en toi plus que toi ». Les saints sont le témoin d’un Autre à travers leur vie qui est elle-même un message ; là se trouve la différence avec de quelconques recettes pour réussir une propagande. On peut relater comment, ayant rendu visite à sa cousine Marie de Bondy, Charles de Foucauld a croisé un voisin qui, revenu chez lui, a simplement témoigné avoir rencontré un saint. Nombreux sont les exemples similaires, que l’on songe à Mère Teresa ou à saint Vincent de Paul qui ont fait le don total de leur vie et dont la lumière intérieure rayonnait. Parfois nos actes de générosité n’ont qu’une portée humaine, et il n’y pas en nous cette Présence dont on parle ; au contraire, il est des personnes malades sur leur lit d’hôpital qui sont habitées par Dieu. Nous pouvons encore parler du cardinal Van Thuan, nommé archevêque de Saïgon en 1975, au moment où les communistes arrivaient au pouvoir. Il est resté 13 ans en prison. Il a été placé en cellule d’isolement, car rien qu’à son contact, on comprenait qu’il rayonnait du Seigneur. Là réside toute la différence entre un gourou qui attire à lui, et un chrétien qui témoigne de la présence d’un autre – Jésus- qui nous oriente lui-même vers le Père..

Dieu est-il Celui qui fait le premier pas ?

L’histoire des hommes est marquée par des conversions soudaines, comme celles d’André Frossard, d’Alphonse Ratisbonne, de Paul Claudel… A ceux qui sont en recherche, on peut donner quelques clés, comme celle de lire la Parole de Dieu ou de se confesser. Ce chemin a été celui de Charles de Foucauld. Avant sa conversion, il menait une vie chaotique, matérialiste. Il a vu des musulmans prier, et cela l’a beaucoup marqué. Par l’intermédiaire de sa cousine, il a rencontré l’abbé Huvelin, désireux que ce dernier lui parle du Christ. Le prêtre lui a dit : « Confessez-vous ». Tout est parti de là. C’est le mystère d’une Rencontre. On peut aussi prendre l’exemple d’Edith Stein qui, après avoir lu l’autobiographie de Thérèse d’Avila, est entrée au Carmel, certaine que ce chemin dont témoigne le Christ était celui de la vérité. Des enfants et des jeunes sont aussi très proches de Dieu, à l’image de Dominique Savio ou de Louis de Gonzague. C’est la certitude que Dieu nous aime d’un grand Amour, et que l’on existe pour le rejoindre. Tout ce qui nous arrive en bien ou en mal est l’occasion de répondre à cet amour reçu. Dans l’épître aux Romains, saint Paul dira : « Je ne rougis pas de l’Evangile. » Autour de nous, beaucoup peuvent nous conduire vers Dieu : notre famille, nos amis, nos catéchistes, nos professeurs… Après c’est l’heure de l’Eglise ; il faut que l’on soit enfanté à cette foi.

Vous dites que « l’ Eglise est témoin d’une Présence »…

C’est ce dont témoigne le Pape François quand il parle d’une Eglise qui prend soin de chacun, comme le ferait un « hôpital de campagne » où l’on arrive les mains nues, mais le cœur plein, pour que la personne se relève. Il faut être source d’espérance pour tout homme. L’Eglise est une compagnie fraternelle qui nous prend la main et nous entraîne ; nous sommes solidaires les uns des autres comme dans une cordée. Il n’est pas une vie de saint qui ressemble à une autre. Chacun trouve son chemin, et c’est toujours le chemin du Christ. Il ne s’agit pas de trouver un certain équilibre, de chercher l’épanouissement personnel. C’est un chemin qui se fait avec d’autres, à l’image du Bon Samaritain qui rencontre le blessé et lui vient en aide. Le Seigneur se sert de nos failles pour ensemencer cet avenir. A partir de nos petitesses, le Seigneur pourra faire germer son Royaume. Mère Teresa a rencontré le Christ, elle lui a été fidèle, même si elle n’a pas senti sa présence pendant des décennies. Elle a cheminé avec Lui, en servant les pauvres, en l’adorant dans le saint Sacrement, en priant, en communiant. Camille de Lellis demandait aux personnes qu’il soignait le pardon de ses péchés. Il reconnaissait en eux le Christ. L’Evangile, c’est toujours un élan de vie nouvelle, où l’on est attendu pour vivre les Béatitudes et suivre le Christ.

Propos recueillis par Béatrice Rouquet

Sainte Bernadette s'est consacrée au soin des malades. C'est par ses "petitesses" qu'elle est signe d'espérance aujourd'hui. Couvent Saint-Gildard, Nevers (photo Philippe Cabidoche)

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