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Devenons des « des artisans de Noël » !

Le Père André Cabes, recteur du Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes (Photo Béatrice Rouquet)

Entretien avec le Père André Cabes

 Chanter « Il est né le divin enfant », avec les anges et les bergers, c’est savoir s’émerveiller d’une Vie offerte ici et maintenant pour tous ceux qui, en Dieu, par Dieu et avec Lui, trouvent la voie du bonheur et du salut. N’est-ce pas Dieu qui nous dit son Amour et sa Fidélité à travers la naissance d’un petit enfant ?

Tout au long de notre vie terrestre, il nous faut accueillir cette naissance en comprenant qu’il n’est rien de plus miraculeux, de plus fragile et de plus prometteur qu’un tel événement… L’enfant Jésus est né sur la paille d’une étable, confié à l’amour d’une famille et porteur d’un projet que le Père veut de toute éternité : le Seigneur Jésus est la Lumière du monde, et dans la force de l’Esprit saint, il vient parmi nous pour annoncer la Bonne Nouvelle. Lui qui est « doux et humble de cœur », est venu nous racheter du péché et, dans l’obéissance au Père, Il a vaincu la mort en donnant sa Vie. Le mystère de Noël dit cet Amour que le Seigneur nous porte, pour que nous prenions au sérieux cet appel à « aimer », à « pardonner », à « persévérer » dans le don total de nous-mêmes.

Vous dites que par tous les moyens, Satan va essayer de tuer cette vie : par le massacre des Innocents et jusqu’à la mort sur la Croix…

La fuite en Egypte (Adam-Elsheimer-1609) Alte Pinakotek - Munich

Marie et Joseph sont unis pour protéger ce Don que Dieu leur confie. Ils vont partir se cacher en Egypte au moment où Hérode veut massacrer tous les nouveau-nés. Au pied de la Croix, c’est encore Marie qui reçoit cette Vie. Marie est cette parcelle de foi dans notre monde pour que le don de Dieu soit finalement reçu. Prendre conscience de l’Amour de Dieu qui est la clé de tout, c’est un don et un appel…

En quoi Marie et Joseph nous montrent-ils le chemin de la sainteté ?

Marie est le réceptacle d’amour en qui le Père se donne. Elle est offerte à Joseph comme son épouse et Mère de l’enfant. A travers elle, Joseph est époux et papa. Marie et Joseph sont l’image de la Trinité sur Terre. C’est l’élan éternel d’amour de la Trinité qui se manifeste en eux. Chacun reçoit son identité de l’autre, ne revendiquant rien pour lui-même. Quand Jésus est perdu et retrouvé au temple, il interroge ses parents : « Ne savez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? » A chacun de nous, il est demandé de répondre à l’appel du Seigneur. La Vie ne peut se comprendre que par ce qui relie le Père au Fils : le Père se vide de lui-même dans son Fils, et le Fils donne la vie au Père. Dans cet échange, se révèle la vie de l’Esprit Saint.

En quoi pouvons-nous nous approprier cet appel à la conversion, qui est aussi la plus belle façon d’accueillir Noël dans nos vies ?

Nous sommes invités à faire de notre existence le lieu d’une naissance. Une question est posée à chacun d’entre nous : accueilles-tu la vie ? ou es-tu un instrument de mort ? On peut tourner son regard vers Hérode, et aussi vers les Pharisiens qui ont « momifié » le don de Dieu. Ce danger guette chacun d’entre nous : empailler Noël ou le confire dans du sucre. Noël doit nous surprendre. Il n’est pas le résultat de nos préparations. On l’attend sur des guirlandes et il est à côté….

Vous dites qu’il faut que la crèche soit vivante…

La Sainte Famille, Petit Palais - Paris

Depuis qu’elles ont été popularisées par saint François d’Assise, il est de coutume de créer des crèches vivantes, et cela nous invite à faire attention à l’inattendu de Dieu. Ce que Dieu vient nous donner ne nous surprend pas sur le plan quantitatif – il aurait alors choisi de manifester sa puissance par ce qui est fort et éclatant – mais sur le plan du cœur : nous sommes dans l’ordre de l’amour. Bernanos disait : « Le Verbe s’est fait chair, et les journalistes de ce temps là n’en ont rien su. » Nous ne pouvons connaître Dieu que si nos cœurs s’ouvrent. Il faut savoir s’émerveiller et pour cela, il faut se laisser conduire par le saint Esprit… Si à l’inverse nous croyons tout connaître comme pour quelque chose de fabriqué, alors nous sommes à côté de la vérité, à côté de la vie en vérité…

Vous évoquez l’actualité des migrants qui, accueillis sur notre territoire, nous invitent à vivre de cet amour de Dieu…

L’arrivée des migrants va enfanter autre chose que nous ne connaissons pas. Noël est là : dans l’inattendu, dans cette vie que Marie et Joseph ont accueillie avec étonnement et qui les dépasse. L’amour est toujours source de fécondité. L’accueil des migrants va donner naissance à une réalité nouvelle. Si l’accueil se vit dans la foi, Dieu lui-même se révèlera. Quand on est dans des rapports des force, c’est tout le contraire. On considère les autres comme une menace et on ne peut pas accueillir la promesse de vie. On peut se souvenir de ce qui était écrit dans les Evangiles sur la Nativité. Selon saint Luc, « Il n’y avait pas de place pour eux dans le caravansérail. » Ce même mot fut employé pour ce que nous appelons le Cénacle et l’institution de l’Eucharistie : Jésus invite ses amis dans la salle commune pour leur donner la vie. Dieu se donne et parvient toujours à trouver la brèche qui fait entrer la Lumière : « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé… »

Vous dites que « Noël n’est jamais répétitif… »

Vierge de procession, cathédrale de Ronda (Espagne)

Noël nous invite à faire un chemin de foi ; c’est tout le contraire d’une adhésion à une vérité théorique. Vivre dans la foi, c’est porter nous-mêmes la vie. Toute notre attitude le manifeste : c’est comme le Petit Prince qui veut vivre d’amour et se rendre disponible aux autres. Il nous faut laisser le temps de l’apprivoisement. On associe la fête de Noël à la joie, mais on sait également qu’au cœur-même des situations douloureuses, comme peut l’être celle de la maladie, on peut aussi cueillir le lieu d’une naissance. A Lourdes Cancer Espérance, beaucoup en donnent le témoignage. Marie vit le mystère de Noël au pied de la Croix. Elle est la maman qui porte la vie, même dans des lieux hostiles : la Croix manifeste la souffrance physique, psychique, mais aussi divine… A ce moment là on pense que la promesse de Dieu disparaît, mais Marie est là et Marie reste une maman. Noël témoigne d’une vie à naître, quand tout semble démentir cette étincelle d’espérance. Dans l’Evangile de saint Jean, il est écrit : « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu… » Et pourtant, malgré les obstacles de tout ordre, Dieu s’est frayé un chemin et Il a pu faire triompher le règne de l’Amour. « A ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir des enfants de Dieu. » Saint Léon parlait de l’admirable échange de Dieu : « Dieu prend notre vie humaine mortelle pour nous donner de naître à une vie divine immortelle. »

Se laisser surprendre par Noël, c’est précisément connaître cette dimension d’Amour tout Puissant qui vient soulever nos vies et nous conduire, malgré les zones d’ombre, d’incertitude et de difficultés… C’est cette idée que vous énonciez tout à l’heure en disant qu’il ne fallait pas confire Noël dans du sucre…

Mosaïque de la Nativité (basilique du Rosaire, Lourdes)

Le cardinal Saliège disait à un prédicateur : « Mon Père, vous devez être diabétique. Vous transformez en sucre tout le sel de l’Evangile… » Laissons nous surprendre par la vie. Aujourd’hui les techniques scientifiques nous permettent de savoir beaucoup de choses sur l’enfant à naître : les parents veulent savoir s’ils auront un garçon ou une fille, si l’enfant va naître avec un chromosome en plus ou une maladie… quand bien même on aurait réussi à tout prévoir, l’inattendu viendra. L’amour est ouverture à la vie ; aimer un enfant, c’est aimer ce qui ne nous appartient pas, un être humain autonome qui est confié à ses parents.

Vous dites que chacun a un rapport unique avec Dieu…

L’âme humaine est le lien particulier que chaque être a avec Dieu… C’est ce nom que personne ne connaît… Ce caillou blanc sur lequel sera inscrit le nom que nul ne connaîtra hormis toi…Chacun est invité à répondre à l’appel de Dieu et à devenir lui-même porteur d’amour… Nous ne sommes des enfants de Dieu que si nous répondons à son appel, et cela va jusqu’à cet abandon de Jésus au pied de la Croix : « Non pas ma volonté mais la tienne… »

Comment Dieu se révèle-t-il à nous à travers la naissance de Jésus ?

Dieu vient toujours nous sortir de nos zones de confort et de nos habitudes, dans le sens où il se présente de manière très inattendue, comme un petit enfant. Il se révèle par son être même : il n’est pas dans l’action étonnante ; on le connaît par le témoignage de sa vie et l’humilité de sa condition de serviteur… Jésus n’est pas seulement un être prodigieux, sinon, il ne nous intéresserait que par ce qu’il dit ou ce qu’il fait. Il est Dieu parmi les hommes. Il est Celui qui se donne. Il est promesse de Résurrection. Pensons encore à la pauvre veuve : elle a donné tout ce qu’elle avait pour vivre. Tout ce qui n’est pas donné est perdu.

Sainte Bernadette à Nevers

C’est aussi l’histoire de Bernadette : elle a dit « oui. » Elle a découvert l’Amour dont elle était l’objet ; elle l’a expérimenté dans sa famille, elle est devenue missionnaire de cet amour et l’a enfanté dans le cœur des autres. A nous aussi, il nous revient d’être « des artisans de Noël ».

Propos recueillis par Béatrice Rouquet

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